jeudi 28 août 2014

Perdre son permis, perdre son emploi …



Perdre son permis de conduire peut entraîner des conséquences aussi désastreuses qu'insoupçonnées : perdre son emploi, par exemple.

Combien de gens ont fini par se retrouver sans travail après avoir perdu leur permis de conduire ? La statistique officielle s'abstient prudemment d'en faire état, préférant se borner à insister sur les risques pour la société de la dangerosité au volant. Pourtant ce genre de situation est plus répandu qu'on ne le croit et il apparaît d’autant plus douloureux en ces temps de chômage endémique. 

Ainsi de ce maçon qui, après avoir perdu ses douze points de permis ayant entraîné l’invalidation de celui-ci, a été remercié par son employeur. La raison en était évidente : ne pouvant plus se rendre sur ses chantiers en voiture, il avait dû emprunter les transports en commun et était arrivé trop souvent en retard sur son lieu de travail. Comble de malchance dans son cas, arrivant tous les soirs tardivement chez lui, il avait été abandonné par son épouse qui se sentait elle-même délaissée …

Situation tragi-comique ? Voire. Il faut ne jamais avoir mis les pieds dans un prétoire pour se gausser de ces petits drames humains aux conséquences parfois imprévisibles. Dans le cas de notre maçon, ce dernier avait fait valoir cette situation délicate devant la justice administrative, dans le cadre d’un référé-suspension. Malheureusement pour lui, si la perte de ses douze points résultait en majeure partie d’une succession de petits excès de vitesse, il avait aussi à son actif un retrait de trois points pour téléphone au volant. Risque pour la société en raison d’une conduite dangereuse, a estimé impitoyablement le juge. 

On le voit, il existe bien un risque réel pour l’emploi en cas de perte du permis de conduire. En clair, un employeur peut licencier son employé si celui-ci vient à être privé de son permis. Il a cette possibilité quoique pas dans tous les cas de figure. A cet égard, il importe de savoir si la perte du permis de conduire de l’employé découle d’un fait commis dans le cadre de sa vie personnelle ou dans le cadre de son activité professionnelle.

En règle générale, aucun motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement de nature disciplinaire. Par conséquent, si vous perdiez votre permis à la suite d’infractions commises à bord de votre véhicule personnel et non à bord d’un véhicule de l’entreprise, toute procédure de licenciement déclenchée à votre encontre sur le fondement d’une privation de permis de conduire serait illégale.

En revanche, l’employeur peut parfaitement engager une procédure de licenciement de son salarié si la perte du permis de conduire, quelles qu'en soient les circonstances, constitue un manquement de l’employé à une obligation découlant de son contrat de travail. L'employé se trouverait ainsi de fait dans l’impossibilité d’exercer la ou les missions pour lesquelles il a été embauché. L’employeur peut tout autant procéder à un licenciement dans l’hypothèse où la situation créée par la perte du permis est de nature à susciter, compte tenu de la nature des fonctions exercées par l’employé et de la finalité de l’entreprise, un trouble objectif – en d’autres termes, une désorganisation - caractérisé au sein de ladite entreprise.

Dans cette éventualité d’une perte du permis découlant d’une infraction au Code de la route commise dans l'exercice de la profession, l’employé peut se voir reprocher une faute grave (notamment lorsqu'il s'agit d'alcoolémie, de grand excès de vitesse ou d’usage intempestif du téléphone au volant) et licencié pour un motif disciplinaire. La jurisprudence a déjà tranché à maintes reprises en ce sens.

En bref, non seulement les conséquences d’une perte du permis de conduire ne sont pas neutres mais elles peuvent devenir dramatiques en termes d’emploi. Elles le seraient même dans le cas où l’invalidation du permis s'avérait ultérieurement injustifiée. En effet, si le permis de conduire devait retrouver sa validité à la suite d’un jugement annulant une décision administrative de suspension ou d’invalidation, tout licenciement prononcé dans l’intervalle serait déclaré sans cause réelle ou sérieuse. La justice considère ainsi que, si le licenciement était  légal au jour de son intervention, le retrait du permis de conduire du salarié doit être réputé n’être jamais intervenu et ne pouvait donc, d’un point de vue rétrospectif, justifier un licenciement.

Certes, la théorie est belle mais la pratique est souvent beaucoup plus amère car le licenciement, même déclaré injustifié après coup, n’en aurait pas moins causé un préjudice, parfois irréparable, à celui qui en aurait été victime.

samedi 16 août 2014

Un fléau bien caché



La drogue est en train de devenir un véritable fléau sur nos routes. Il est étrange que nos pouvoirs publics s'abstiennent de le dénoncer.
Pourquoi n’en parle-t-on que rarement ? Pourquoi, quand ils évoquent la délinquance routière, les pouvoirs publics dans un réflexe pavlovien continuent-ils de ne condamner que la vitesse au volant ?

Le fait est là : de plus en plus d’automobilistes conduisent aujourd’hui sous l’emprise de stupéfiants. Leur nombre ? On ne le connaît pas avec précision et d’ailleurs, les statistiques officielles le sous-estiment à peu près systématiquement. Pourtant, on sait déjà qu’en 2012, 531 personnes ont perdu la vie alors qu’au moins un des conducteurs en cause présentait un test positif aux stupéfiants. Et encore ce chiffre est loin de représenter la réalité, dans la mesure où, pour près de 4 accidents mortels sur 10, on n’enregistre pas le résultat toxicologique. A l’heure actuelle, selon l’ONISR (Observatoire national interministériel de la sécurité routière) la drogue serait impliquée dans 21% des accidents mortels sur nos routes : un sur cinq !

Alors pourquoi faire le black-out sur la question ? Certains allègueront un déficit objectif de connaissance joint à la difficulté des analyses, par comparaison avec l’alcool qui est plus aisé à dépister. En outre, les tests de recherche des stupéfiants reviennent fort cher. Pratiqué au bord de la route, le test salivaire revient à 12 euros l’unité et il faut y ajouter les frais d’analyse. En cas de test positif, une prise de sang est obligatoire pour vérifier le premier résultat. On parle d’analyses toxicologiques dont le coût maximal avoisinerait les 450 euros ! Il est vrai que le coût pour la société serait élevé. Mais ne nous a-t-on pas suffisamment asséné sur d’autres dossiers que la santé, a fortiori la vie, n’a pas de prix ? Sans compter, d’ailleurs, que ces coûts seraient non pas à la charge de la société mais du conducteur s’il s’avérait fautif … du moins quand il peut payer.

Là se situe en réalité le nœud du problème. En effet, la drogue majoritairement identifiée dans ces contrôles (en fait, dans 9 cas sur 10 !) est le cannabis dont les jeunes, a priori les moins solvables financièrement, sont les plus gros consommateurs. Alors, faut-il montrer les jeunes du doigt, sans même employer certains mots convenus de notre nov’langue comme « stigmatisation » ?

On comprend bien que le pouvoir socialiste, dont la jeunesse est un des fonds de commerce politique, puisse hésiter. On le comprend d’autant mieux à la lumière des efforts répétés de ce même pouvoir en vue de banaliser l’usage du cannabis : il n'est que de se rappeler les tentatives de l’ancien ministre de l’Education Vincent Peillon afin de laisser entrer le cannabis en toute impunité dans nos lycées et collèges ; il en va également ainsi d’autres tentatives, émanant celles-là de l’ancien maire de Paris Bertrand Delanoë et visant à instituer des « salles de shoot » dans notre capitale. Et si ces gens-là, après s’être shootés, s'avisaient de prendre le volant ? Nos bons esprits se sont-ils seulement posé la question ? Mais non, tout cela n’est que broutille. Il vaut mieux s’en prendre aux excès de vitesse (d’ailleurs commis en partie par les consommateurs de drogue) ou à l’alcool qui est si ringarde. La drogue, elle, c’est la jeunesse, c’est sympa, c’est surtout politiquement correct. Donc on n’y touche pas et surtout, on n’en parle pas. Il est significatif que les bilans de l’ONISR s’abstiennent de préciser le détail des types de stupéfiants détectés sur nos routes.

Certes, le cannabis n’est pas la seule drogue en cause, la cocaïne causant aussi de nos jours des ravages redoutables. Et ce, d’autant plus que si la consommation de cannabis double le risque d’être responsable d’un accident mortel, la prise de cocaïne multiplie quant à elle ce risque par huit … et qu’accessoirement, les prix de la cocaïne ont dramatiquement chuté au cours de ces dernières années. De récents accidents commis par des chauffeurs routiers sous l’emprise de la cocaïne ont mis en lumière le fait que ce type de drogue est consommé aujourd’hui par des milieux très diversifiés qui le tiennent pour un produit dopant (à l’instar des amphétamines, par exemple).

Il est donc grand temps que les pouvoirs publics se saisissent du problème de la drogue au volant dans toutes ses dimensions et surtout, se gardent de le considérer d’un point de vue essentiellement idéologique quand ce n’est pas électoraliste. Après tout, sauf erreur ou omission, la consommation de drogue reste toujours sanctionnée par notre Code pénal.

La drogue est un fléau galopant, y compris sur nos routes. Ne pas voir ce phénomène ou le minorer est déjà irresponsable. L’encourager revient à s’en rendre complice. Hélas, nos parlementaires sont déjà trop occupés … à faire voter la réforme dite de « désarmement pénal » souhaitée par Mme Taubira ou à satisfaire le fantasme de Mme Vallaud-Belkacem d’instaurer des sanctions contre les clients de prostituées.