Perdre son permis de conduire peut entraîner des conséquences aussi désastreuses qu'insoupçonnées : perdre son emploi, par exemple.
Combien de gens ont fini par se retrouver
sans travail après avoir perdu leur permis de conduire ? La statistique officielle s'abstient prudemment d'en faire état, préférant se borner à insister sur les risques pour la société de la dangerosité au volant. Pourtant ce genre de situation est plus répandu qu'on ne le croit et il apparaît d’autant plus douloureux en ces temps de chômage
endémique.
Ainsi de ce maçon qui,
après avoir perdu ses douze points de permis ayant entraîné l’invalidation de
celui-ci, a été remercié par son employeur. La
raison en était évidente : ne pouvant plus se rendre sur ses chantiers en
voiture, il avait dû emprunter les transports en commun et était arrivé trop souvent
en retard sur son lieu de travail. Comble de malchance dans son cas, arrivant tous les soirs tardivement chez lui, il avait été abandonné par son épouse qui se sentait elle-même délaissée …
Situation tragi-comique ? Voire. Il faut ne jamais avoir mis les pieds dans un prétoire pour se gausser de ces petits drames humains aux conséquences parfois imprévisibles. Dans le cas de notre maçon, ce dernier avait fait valoir cette situation délicate devant la justice administrative, dans
le cadre d’un référé-suspension. Malheureusement pour lui, si la perte de ses
douze points résultait en majeure partie d’une succession de petits excès de
vitesse, il avait aussi à son actif un retrait de trois points pour téléphone au volant. Risque
pour la société en raison d’une conduite dangereuse, a estimé impitoyablement le juge.
On le voit, il existe bien un risque réel pour l’emploi en cas de
perte du permis de conduire. En clair, un employeur peut licencier son employé
si celui-ci vient à être privé de son permis. Il a cette possibilité quoique pas
dans tous les cas de figure. A cet égard, il importe de savoir si la
perte du permis de conduire de l’employé découle d’un fait commis dans le cadre
de sa vie personnelle ou dans le cadre de son activité professionnelle.
En règle générale,
aucun motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un
licenciement de nature disciplinaire. Par conséquent, si vous perdiez votre
permis à la suite d’infractions commises à bord de votre véhicule personnel et
non à bord d’un véhicule de l’entreprise, toute procédure de licenciement
déclenchée à votre encontre sur le fondement d’une privation de permis de
conduire serait illégale.
En revanche, l’employeur
peut parfaitement engager une procédure de licenciement de son salarié si la
perte du permis de conduire, quelles qu'en soient les circonstances, constitue un manquement de l’employé à une
obligation découlant de son contrat de travail. L'employé se trouverait ainsi de fait dans l’impossibilité d’exercer la ou les missions pour lesquelles il a été
embauché. L’employeur peut tout autant procéder à un licenciement dans l’hypothèse
où la situation créée par la perte du permis est de nature à susciter, compte tenu
de la nature des fonctions exercées par l’employé et de la finalité de
l’entreprise, un trouble objectif – en d’autres termes, une désorganisation -
caractérisé au sein de ladite entreprise.
Dans cette éventualité d’une
perte du permis découlant d’une infraction au Code de la route commise dans l'exercice de la profession, l’employé peut se voir reprocher une faute grave
(notamment lorsqu'il s'agit d'alcoolémie, de grand excès de vitesse ou d’usage
intempestif du téléphone au volant) et licencié pour un motif disciplinaire. La
jurisprudence a déjà tranché à maintes reprises en ce sens.
En bref, non seulement les
conséquences d’une perte du permis de conduire ne sont pas neutres mais elles peuvent devenir dramatiques en
termes d’emploi. Elles le seraient même dans le cas où l’invalidation
du permis s'avérait ultérieurement injustifiée. En effet, si le permis de
conduire devait retrouver sa validité à la suite d’un jugement annulant une
décision administrative de suspension ou d’invalidation, tout licenciement
prononcé dans l’intervalle serait déclaré sans cause réelle ou sérieuse. La justice considère ainsi que, si le licenciement était légal au jour de son intervention, le retrait
du permis de conduire du salarié doit être réputé n’être jamais intervenu et ne
pouvait donc, d’un point de vue rétrospectif, justifier un licenciement.
Certes, la théorie est
belle mais la pratique est souvent beaucoup plus amère car le licenciement,
même déclaré injustifié après coup, n’en aurait pas moins causé un préjudice,
parfois irréparable, à celui qui en aurait été victime.