Le
nombre des radars s’accroît et leur qualité s’améliore sans cesse. Pourtant,
leur rendement semble se tasser. Un danger de plus, sans doute, pour les
automobilistes.
A l’heure où l’Etat
semble se féliciter qu’un radar routier dit « de nouvelle génération »
soit en train de battre tous les records d’efficacité (plus de 900 flashes en
moins de 24 h, soit un signal toutes les minutes et demi) et même d’endurance
puisqu’ils sont supposés résister à un incendie, voici que la Cour des Comptes vient
refroidir ces belles perspectives financières pour les recettes publiques.
Le dernier rapport de
la haute juridiction consacré au rendement budgétaire des radars, laisse en
effet supposer que ces dispositifs automatisés seraient en passe d’atteindre leur
limite de rentabilité. Suivant cette publication, les amendes forfaitaires générées
par ces radars automatiques ont atteint en 2014 un total de 612 millions
d'euros en 2014 : certes, c’est mieux qu’en 2013 (6% de plus) mais avec un
taux de radars en état de marche de l’ordre de 87% à 92%, ce qui était loin d’être
le cas en 2013. Cette année-là, le changement du prestataire chargé d’entretenir
ces dispositifs avait fait considérablement baisser la proportion de radars
automatiques en état de marche. Cette même année, le rendement des radars avait
également souffert de l’action des « bonnets rouges » bretons dont on
se souvient qu’ils s’attaquaient volontiers aux radars automatiques en plus des
portiques écotaxe.
Les chiffres publiés
traduisent donc à l’évidence un tassement des recettes avec un bilan même inférieur
à celui de 2012, année où les recettes s'élevaient à 620 millions d'euros. Le
tassement est d’autant plus sévère qu’il infirme la prévision de 689 millions
envisagée par la loi de Finances. Faut-il y avoir les effets d’une certaine stabilisation
quantitative du parc de radars automatiques (il se situe aujourd’hui autour de 4 200
appareils), après une forte augmentation à la suite de l’introduction des
radars en 2002 ?
En tout cas, les
pouvoirs publics ne peuvent s’empêcher d’y voir matière à auto-congratulation.
Selon eux, ces chiffres reflèteraient un changement radical dans le
comportement au volant des automobilistes, comme en témoigne notamment la
diminution de la vitesse moyenne sur les routes (78 kilomètres-heure à l’heure
actuelle contre 85 kilomètres-heure une décennie auparavant). Autre indicateur significatif :
la proportion des «grands excès de vitesse», c'est-à-dire supérieurs de plus de 30
kilomètres-heure à la limite autorisée, ne représente plus que 0,2% du total
des amendes infligées. On se demande d’ailleurs, à ce compte-là, pourquoi la
mortalité routière se situe encore à un niveau aussi élevé. On peut aussi s’interroger,
au-delà de la fixation obsessionnelle des pouvoirs publics sur la vitesse, sur
le vrai combat à mener contre la dangerosité au volant.
Pourtant qu’on ne s’y
trompe pas : chiffres à l’appui ou pas, ce n’est pas demain la veille que
l’Etat renoncera à son mantra du « tout-répressif » pour une
stratégie plus intelligente de pédagogie et de responsabilisation des
citoyens-conducteurs. Il est beaucoup plus commode et politiquement correct, on le conçoit aisément, de réprimer tous
azimuts et sans discernement ! Donc c’est l’automobiliste qui en fera les
frais et compensera le manque à gagner. Nul doute qu’on nous objectera encore un
beau discours sécuritaire pour faire avaler la pilule et justifier l’amélioration
qualitative des radars dont on sait depuis longtemps – notamment au regard de
leur implantation - que la principale motivation est la rentabilité financière.
Tout est déjà mis en
place à cette fin : l’intransigeance caricaturale des agents de répression, la rigidité
indifférenciée de tribunaux croulant sous le poids du contentieux de masse devenu incontrôlable que sont les litiges routiers. Ajoutons-y l’impossibilité de plus en plus flagrante
et scandaleuse pour l’automobiliste d’organiser sa défense (suppression de l’appel au niveau
des juridictions administratives, celles auxquelles on doit recourir en cas de
perte de points de permis).
Et les recettes des radars automatiques ? Merci
pour elles, en valeur nette elles ont atteint l’an dernier quelque 392 millions
d'euros. Contrairement à toutes les dénégations vertueuses, cette somme a été
en grande partie affectée au remboursement de la dette et a donc été utilisée,
au niveau du budget de l’Etat, comme variable d’ajustement. On n’en est plus à
un mensonge public près …