dimanche 26 juillet 2015

Les radars ne rapportent pas assez : qui va payer la note ?



Le nombre des radars s’accroît et leur qualité s’améliore sans cesse. Pourtant, leur rendement semble se tasser. Un danger de plus, sans doute, pour les automobilistes.

A l’heure où l’Etat semble se féliciter qu’un radar routier dit « de nouvelle génération » soit en train de battre tous les records d’efficacité (plus de 900 flashes en moins de 24 h, soit un signal toutes les minutes et demi) et même d’endurance puisqu’ils sont supposés résister à un incendie, voici que la Cour des Comptes vient refroidir ces belles perspectives financières pour les recettes publiques.  

Le dernier rapport de la haute juridiction consacré au rendement budgétaire des radars, laisse en effet supposer que ces dispositifs automatisés seraient en passe d’atteindre leur limite de rentabilité. Suivant cette publication, les amendes forfaitaires générées par ces radars automatiques ont atteint en 2014 un total de 612 millions d'euros en 2014 : certes, c’est mieux qu’en 2013 (6% de plus) mais avec un taux de radars en état de marche de l’ordre de 87% à 92%, ce qui était loin d’être le cas en 2013. Cette année-là, le changement du prestataire chargé d’entretenir ces dispositifs avait fait considérablement baisser la proportion de radars automatiques en état de marche. Cette même année, le rendement des radars avait également souffert de l’action des « bonnets rouges » bretons dont on se souvient qu’ils s’attaquaient volontiers aux radars automatiques en plus des portiques écotaxe.

Les chiffres publiés traduisent donc à l’évidence un tassement des recettes avec un bilan même inférieur à celui de 2012, année où les recettes s'élevaient à 620 millions d'euros. Le tassement est d’autant plus sévère qu’il infirme la prévision de 689 millions envisagée par la loi de Finances. Faut-il y avoir les effets d’une certaine stabilisation quantitative du parc de radars automatiques (il se situe aujourd’hui autour de 4 200 appareils), après une forte augmentation à la suite de l’introduction des radars en 2002 ?

En tout cas, les pouvoirs publics ne peuvent s’empêcher d’y voir matière à auto-congratulation. Selon eux, ces chiffres reflèteraient un changement radical dans le comportement au volant des automobilistes, comme en témoigne notamment la diminution de la vitesse moyenne sur les routes (78 kilomètres-heure à l’heure actuelle contre 85 kilomètres-heure une décennie auparavant). Autre indicateur significatif : la proportion des «grands excès de vitesse», c'est-à-dire supérieurs de plus de 30 kilomètres-heure à la limite autorisée, ne représente plus que 0,2% du total des amendes infligées. On se demande d’ailleurs, à ce compte-là, pourquoi la mortalité routière se situe encore à un niveau aussi élevé. On peut aussi s’interroger, au-delà de la fixation obsessionnelle des pouvoirs publics sur la vitesse, sur le vrai combat à mener contre la dangerosité au volant.

Pourtant qu’on ne s’y trompe pas : chiffres à l’appui ou pas, ce n’est pas demain la veille que l’Etat renoncera à son mantra du « tout-répressif » pour une stratégie plus intelligente de pédagogie et de responsabilisation des citoyens-conducteurs. Il est beaucoup plus commode et politiquement correct, on le conçoit aisément, de réprimer tous azimuts et sans discernement ! Donc c’est l’automobiliste qui en fera les frais et compensera le manque à gagner. Nul doute qu’on nous objectera encore un beau discours sécuritaire pour faire avaler la pilule et justifier l’amélioration qualitative des radars dont on sait depuis longtemps – notamment au regard de leur implantation - que la principale motivation est la rentabilité financière.

Tout est déjà mis en place à cette fin : l’intransigeance caricaturale des agents de répression, la rigidité indifférenciée de tribunaux croulant sous le poids du contentieux de masse devenu incontrôlable que sont les litiges routiers. Ajoutons-y l’impossibilité de plus en plus flagrante et scandaleuse pour l’automobiliste d’organiser sa défense (suppression de l’appel au niveau des juridictions administratives, celles auxquelles on doit recourir en cas de perte de points de permis). 

Et les recettes des radars automatiques ? Merci pour elles, en valeur nette elles ont atteint l’an dernier quelque 392 millions d'euros. Contrairement à toutes les dénégations vertueuses, cette somme a été en grande partie affectée au remboursement de la dette et a donc été utilisée, au niveau du budget de l’Etat, comme variable d’ajustement. On n’en est plus à un mensonge public près …

dimanche 19 juillet 2015

Sécurité ou rentabilité ?



Accentuant sans cesse sa répression aveugle envers les automobilistes, l’Etat conduit sa politique de sécurité à une impasse dangereuse.

Plus les preuves se multiplient et plus les pouvoirs publics s’enferment dans leurs contradictions. Preuve de quoi ? Tout simplement de ce que la sacro-sainte politique de sécurité qu’on nous assène quotidiennement n’en est pas vraiment une et que ses impératifs ne relèvent en réalité que d’une rentabilité financière bien comprise.

Hier était dénoncée à juste raison l’inadéquation foncière entre les sites d’implantation des radars de détection de vitesse et les lieux considérés comme les plus accidentogènes. Face à cette dénonciation, les arguments des pouvoirs publics s’étaient assez lamentablement empêtrés et n’étaient en rien convaincants. 

Cette fois, l’excellent magazine hebdomadaire Auto-Plus publie un classement des policiers qui verbalisent le plus sur les routes, établi d'après un document présenté comme fiable et dont il n’existe aucune raison de remettre sa sincérité en cause. Selon cette publication, une prime d’un montant de 600 euros serait même octroyée aux unités se situant en tête du « hit-parade » hiérarchisant les performances des neuf compagnies autoroutières CRS et des 22 unités de police motorisée. Un nombre de points serait ainsi accordé à chaque unité en fonction du nombre de PV distribués au cours de l’année écoulée, les cumuls de points servant à distinguer les deux unités et les deux compagnies les plus performantes : en clair, celles qui sont destinées à recevoir la prime en question. Aux dernières nouvelles, pour le classement établi de juin 2014 à mai 2015, the winners are : les unités d'Ile-de-France Nord et Ile-de-France ainsi que, pour les motards, celles de Pau et Reims. 

Que les forces de l’ordre chargées d’assurer la sécurité sur nos routes obéissent à une politique du chiffre de plus en plus effrénée, chacun s’en doutait un peu. Mais le fait d’en administrer la preuve tangible n’est jamais inutile et présente, en tout cas, le mérite de couper court au mépris que les pouvoirs publics expriment généralement envers ce genre de « fantasme » forcément populiste, cela va sans dire.

Nul doute, d’ailleurs, que l’Etat s’échinera à trouver tant bien que mal une parade crédible en prétextant par exemple, faisons-en le pari, qu’une prime de motivation ne peut faire de mal. Ah bon ! Pour ma part, j’avais la faiblesse d’imaginer que le seul souci de préserver la sécurité de nos concitoyens sur les routes était déjà en soi une source de motivation.

Au-delà de la simple incitation, force est d’admettre, contrairement à ce que laisse entendre l’Etat, que la répression demeure plus que jamais privilégiée par rapport à la prévention. Ensuite, on ne peut que pointer du doigt le caractère malsain d’une politique du chiffre indifférenciée. Celle-ci expose, en effet, les policiers aux pressions croissantes de leur hiérarchie - sans parler de la concurrence obligée entre collègues - au risque d’occulter définitivement leur capacité de discernement. Ainsi, plus que jamais régnera sur nos routes le sempiternel « je ne veux rien savoir » d’une maréchaussée impénétrable aux arguments, pas toujours absurde, des automobilistes. D’où un fossé qui est voué à se creuser encore davantage entre les usagers de la route et les forces de l’ordre avec, à la clé, une sanction de moins en moins acceptée et, corollairement, la tentation de plus en plus manifeste pour les cibles de contourner les règles en vigueur. Sans parler, bien évidemment, de la différence de traitement des conducteurs selon qu’ils relèvent ou non d’une région où la répression s’avère efficace.

Avec de telles réalités, la politique de sécurité va tout droit dans le mur pour faire fi de son acceptabilité sociale. Une répression sans cesse plus aveugle sur nos routes ; un système de verbalisation de plus en plus dématérialisé et ne laissant a priori au conducteur que peu de chance de prouver sa bonne foi voire son innocence ; une charge de la preuve qui, d’ailleurs, incombe théoriquement aux services de l’Etat mais qui, à l’instar de ce qui se passe en contentieux fiscal, se déporte de plus en plus sournoisement sur l’automobiliste ; une justice expéditive, qui n’admet plus d’appel en matière de retrait de points ; des référés suspensions traités de manière quasi automatique par voie d’ordonnance et interdisant en pratique à l’avocat de plaider correctement la cause de son client. Serait-ce du non droit au « pays des droits de l’homme » ? On en jurerait.

dimanche 12 juillet 2015

Encore un scandale !



On n’arrête décidément plus le progrès répressif. Aujourd’hui, c’est une conductrice qui se fait verbaliser pour avoir simplement porté des tongs au volant …


Décidément, les forces de l’ordre ne savent plus quoi inventer pour coincer les automobilistes. La sévérité, passe encore. Mais il s’agit là d’arbitraire pur et simple et c’est ce qui est franchement insupportable. 

J’avais déjà eu l’occasion, lors d’un précédent article de ce blog, de dénoncer le comportement de certains zélotes du sifflet qui n’avaient pas hésité à verbaliser un chauffeur de taxi sur le périphérique parisien sur le coup de 19h30 pour … non-respect des distances de sécurité. Pour qui emprunte régulièrement cette voie, l’affaire apparaît surréaliste. Et ce, d’autant plus que le véhicule de police verbalisateur se trouvait quatre véhicule derrière celui prétendument en infraction au moment du constat de la distance supposée !

Cette fois, c’est encore pire si l’on ose dire. En effet, une jeune conductrice s’est vu verbaliser sur une route départementale dans la région de Toulouse pour avoir conduit en ... tongs ! L’infortunée conductrice aura-t-elle eu affaire à une femme jalouse, l’agent verbalisateur étant en l’espèce une gendarmette ? Il se peut. Toujours est-il que celle-ci, sans rire le moins du monde, s'est empressée de dresser à l’encontre de la conductrice un procès-verbal de contravention portant amende de 90 euros …

Raison invoquée : les tongs correspondent à un type de chaussure « qui ne sont pas tenues au niveau du pied ». Et la gendarmette de se référer aux « nouvelles dispositions répressives du 1er janvier dernier ». Manque de chance, lesdites dispositions, qui s’attardent longuement sur le port des oreillettes, ne prévoient nullement une interdiction de ce type. Mais il est vrai qu’on ne va pas demander aux gendarmes de connaître le droit routier. A chacun son métier. Eux, ils oeuvrent dans le domaine de la répression et contre les « chauffards », qu’on se le dise !

Au passage et ridicule mis à part, il serait instructif de connaître le fondement juridique précis consigné sur le procès-verbal car il est à parier que ce qui y a été inscrit est fort susceptible de faire l’objet d’une annulation pour vice de forme. Il est bel et bon, en effet, de pouvoir verbaliser, encore s’agit-il de savoir sur quelle base juridique précise on verbalise.

A cet égard, il existe bien un article du Code de la route qui pourrait théoriquement faire l’affaire : l’article R. 412-6 qui contraint le conducteur à « se tenir constamment en état et en position d’exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres qui lui incombent ». En l’espèce, on ne sache pas que la conductrice verbalisée ait été interpelée sur la voie publique parce qu’elle ne semblait pas exécuter commodément et sans délai les manœuvres en question. La verbalisation n’est intervenue que dans la mesure où la représentante de l’ordre, cherchant manifestement un motif à verbaliser, a constaté que l’automobiliste portait des tongs. Par conséquent, l’article susdit ne saurait trouver à s’appliquer dans cette mesure.

D’ailleurs, ce même article R. 412-6 précise fort opportunément à propos du conducteur : « Ses possibilités de mouvement et son champ de vision ne doivent pas être réduits par le nombre ou la position des passagers, par les objets transportés ou par l’apposition d’objets non transparents sur les vitres ». On ne sache pas – en tout cas, cela n’a jamais été démontré même par la gendarmerie – que le port de tongs soit de nature à altérer les possibilités de mouvement des conducteurs et a fortiori son champ de vision.

Conclusion : soit cette gendarmette se sera montrée d’une stupidité insigne dans son obsession verbalisatrice frôlant la pathologie, ce qui n’est pas forcément à exclure ; soit, ce qui est tout de même plus probable, elle aura reçu des consignes de la part supérieurs vers lesquels on ne remontera évidemment jamais. Dans les deux cas, il s’agit ni plus ni moins d’un arbitraire insupportable qui reflète une volonté acharnée de faire passer tout automobiliste pour un chauffard potentiel. Sans compter la rupture inopportune qu’elle recèle par rapport à l’idéologie ambiante et au politiquement correct de rigueur : les tongs, en effet, ne sont-elles pas l'incarnation de cette RTT si vénérée dans notre beau pays que le monde entier est sommé de nous envier ?

dimanche 5 juillet 2015

L’Etat et l’oreille de l’automobiliste.



L’interdiction de l’oreillette et du kit main libre au volant présente un caractère drastique. Reste à savoir si elle sera vraiment suivie d’effet.

Non ce n’est pas une histoire de taureau ou de corrida, même si l’on parle d’oreille. L’avant-dernière tolérance – la toute dernière étant le système Bluetooth embarqué dans la voiture – sur le téléphone au volant vient donc de voler en éclats depuis le 1er juillet 2015.

Il faudra donc s'y faire avec l’évolution de la réglementation et, notamment, avec l'article R.412-6-1 du Code de la route qui interdit désormais le port à l'oreille, par le conducteur d'un véhicule en circulation, de tout dispositif susceptible d'émettre du son, à l'exception des appareils électroniques correcteurs de surdité.

Cela signifie très clairement la fin de tout dispositif de type "kit mains libres" ou oreillette. En l’état actuel des choses seuls restent autorisés, l'usage du haut-parleur du téléphone ou les dispositifs Bluetooth intégrés au véhicule ou supportés par un des éléments de l'habitacle comme le pare-soleil. Même dans ces hypothèses, la manipulation manuelle du téléphone reste prohibée.

S’agissant des conducteurs de deux-roues motorisés, seul sont autorisés les systèmes intercom Bluetooth avec un dispositif d'écouteurs logés dans le casque, à l’exclusion de toute autre pratique du genre : téléphone logé entre l'oreille et le casque ou oreillettes. Il en va de même pour les cyclistes, sauf ceux munis d’un casque intercom.

Enfreindre ces dispositions exposera son auteur à une amende de 135 euros et au retrait de 3 points du permis. Et il ne sera d’aucune utilité, en cas d’interpellation par les forces de l’ordre, de se retrancher derrière l’argument suivant lequel l'oreillette fautive ne servait pas à téléphoner mais seulement à écouter de la musique. En un mot comme en cent, le Bluetooth restera l’ultime parade pour les forcenés du téléphone.

Certes, la règle est limpide mais qu’en restera-t-il dans la pratique ? En ce qui concerne les cyclistes, il est fort à parier que le port des oreillettes de cessera pas de sitôt. En effet, les pouvoirs publics ont tellement habitué les vélos à s’affranchir de la règle commune du code de la route que ceux-ci ne comprendront pas pourquoi ils devraient être astreints aux mêmes règles que les automobilistes. Et pourtant, l’oreillette est beaucoup plus dangereuse pour un conducteur de vélo que pour un automobiliste.

Quant à la voiture, il est douteux que les accros au portable et les addicts aux SMS se résignent aussi spontanément au régime sec. Et ce, d’autant plus qu’ils seront enclins à voir dans la nouvelle mesure une discrimination insupportable par rapport aux détenteurs du système Bluetooth.

Du reste, si les pouvoirs publics étaient logiques avec eux-mêmes, ne devraient-ils pas désormais interdire aux constructeurs la mise sur le marché de véhicules dotés d’un tel système ? Gageons qu’ils n’iront pas jusque-là et que le téléphone au volant gardera encore de beaux jours. A la différence de la corrida, pour avoir ainsi gagné l’oreille de l’automobiliste, l’Etat n’aura pas pour autant avoir obtenu sa mise à mort…