A force de vouloir
démontrer à tout prix, non seulement on ne démontre plus rien mais les
statistiques censées venir à l’appui du raisonnement perdent de leur légitimité.
Qui aura l’inconscience de soutenir que les 86,8 % de réussite au bac
signifient encore quelque chose ? De même peut-on s’interroger sur la
baisse de 15% de morts sur les routes françaises que claironne, à grands
renforts de complaisance médiatique, notre ministre de l’intérieur.
Bien sûr, on apprendra
sans surprise que cette baisse est deux fois plus importante que celle
enregistrée l’année précédente : ah ! Ce fameux héritage du président
Sarkozy. On peut gager qu’il nous sera resservi jusqu’en 2017.
Cela étant, 257 vies
épargnées ce n’est pas rien sur un bilan total qui, l’an dernier, s’élevait à 3 645
tués. Galvanisé par cette amélioration, Manuel Valls a s’est fixé un objectif
de 2 000 victimes sur les routes d’ici 2020. Et, pour ce faire, n’a pas
manqué d’annoncer une multiplication des radars autoroutiers ainsi qu’une
diminution probable de la vitesse autorisée (70 km/h contre 80 actuellement)
sur le périphérique parisien.
Bref, plus ça change et
plus c’est la même chose. La vitesse, uniquement la vitesse, encore et
toujours. Nos voisins européens s’esclaffent face à une obsession affichée avec
une telle constance : les Allemands, par exemple, qui n’ont pas jugé bon
de limiter la vitesse sur leurs autoroutes ; ou encore les Anglais qui ont
supprimé progressivement les radars autoroutiers. Il est vrai que ces gens sont
inconscients et n’attendent que l’exemple de la France – pardon, le « modèle
français » - pour revenir sur le droit chemin.
Pour revenir à la
statistique de la baisse de 15%, il faut une sacré dose de mauvaise foi pour en
attribuer tout le mérite à la lutte psychotique menée par les pouvoirs publics
contre la vitesse routière. Chacun peut imaginer que les progrès constants dans
la conception même des véhicules ne sont pas pour rien dans cette amélioration
globale de la sécurité. Il en va de même dans les courses de F1 avec une baisse
de la mortalité sur les circuits alors même qu’on ne saurait prétendre que la
vitesse de ces bolides a diminué …
Il existe un autre
facteur soigneusement passé sous silence par les pouvoirs publics qui tiennent
au phénomène saisonnier. On sait que les véhicules roulent moins globalement
(surtout les deux-roues qui sont particulièrement impliqués, fauteurs ou
victimes, dans la statistique sur les accidents) par mauvais temps. Or, le
premier semestre a été climatiquement pourri et il est probable que le volume
de la circulation routière ait fléchi durant cette période. Moins de
circulation donc moins d’accident. Est-ce si difficile à comprendre ?
Il y a enfin et
surtout, les autres facteurs accidentogènes qui sont de facto relégués dans l’ombre
à se focaliser ainsi sur la vitesse : l’incivilité dans la conduite en
ville (absence systématique de clignotants, non-respect inquiétant des deux
tricolores ou de la priorité) et surtout l’alcool au volant qui devrait devenir la priorité absolue. L’alcool
et … les stupéfiants dont on sous-estime méthodiquement les conséquences
létales.
Mais il ne faut pas
rêver. Ce n’est pas à l’heure où le ministre de l’Education rêvait de
libéraliser le cannabis dans nos collèges et où la municipalité de Paris,
soutenue par le gouvernement, décide d’ouvrir des salles de shoot dans la
capitale – en parfaite illégalité au passage – que le problème de la drogue au
volant sera pris en considération. Ce n’est pas à la mode en un temps où la
politique de sécurité est affaire de politiquement correct, quand ce n’est pas
affaire de finances.