Les automobilistes doivent se méfier des fausses bonnes idées. Celles-ci n'ont le plus souvent qu'une durée de vie limitée car l'administration ne reste pas inerte.
C’est au fond le
sempiternel combat entre le bouclier et l’épée. D’un côté, l’administration,
dont l’imagination en ce domaine est à proportion de l’étranglement budgétaire
de l’Etat, s’ingénie à traquer les automobilistes en les assujettissant à des
amendes et des sanctions toujours plus sévères tout en ne manquant pas de stigmatiser
au passage leur manque de civisme.
D’un autre côté, les
automobilistes cherchant à s’affranchir, quoi qu’il leur en coûte, de leur statut
de proie désignée ou de vache à lait. Là aussi, l’imagination est souvent au
rendez-vous mais il apparaît que certaines « bonnes idées » sont un
peu trop vite érigées, le bouche à oreille jouant son rôle de légitimation, en
martingale infaillible. On connaissait la soi-disant parade consistant à éviter
de se voir retirer son permis en se dotant d’un permis étranger : Côte d’Ivoire,
Algérie, Bosnie, etc. Désormais, la manœuvre est quasi éventée. Seuls les naïfs
peuvent encore espérer échapper à la sanction suprême en minimisant l’étroitesse
de la marge de manœuvre et en ignorant que la justice comme la police
connaissent depuis longtemps la soi-disant recette.
Aujourd’hui, on a un
autre cas de figure : celui de l’automobiliste d’Orléans qui a cru pouvoir
passer à travers les mailles du filet en faisant immatriculer ses deux
véhicules au nom de son fils mineur. Entre novembre 2007 et mars 2013, il a
ainsi accumulé pas moins de 131 contraventions pour stationnement illicite. Mal
lui en a pris puisque la Cour d’appel d’Orléans l’a condamné à s’acquitter de
l’intégralité de ses contraventions. Courroucée par la désinvolture par
laquelle le prévenu avait snobé l’audience, la juridiction a même décidé de
porter le montant unitaire de ces contraventions de 33 à 38 euros.
Résultat : une note salée de 5 138 euros à la charge de cet automobiliste
sans doute un peu trop confiant dans sa fausse bonne idée.
Et pourtant !
L’affaire n’était pas a priori absurde. Il existe, en effet, une faille
juridique avec l’arrêté du 9 février 2009 qui dispose en son article 2 que le
certificat d’immatriculation, tel qu’il est visé par l’article R. 322-2 du Code
de la route, peut légalement être établi au nom d’un mineur. Dans ce cas
précis, la demande d’immatriculation doit être signée par la personne ou
l’institution investie de l’autorité parentale ou du droit de garde. Par
ailleurs, le mineur émancipé doit apporter la preuve de son émancipation.
Certes, cet arrêté de 2009 a été modifié ultérieurement par deux autres arrêtés
(en date des 12 avril 2012 et 19 décembre 2013 respectivement) sans que la
disposition relative à l’immatriculation d’un véhicule au nom d’un mineur – comme,
d’ailleurs, au nom d’une personne morale – soit remise en cause.
Or, lorsque
l’infraction routière est constatée en dehors de toute interpellation sur la
voie publique - auquel cas c’est au conducteur du véhicule fautif (qu’il soit
propriétaire ou non du véhicule, ou détenteur ou non du certificat
d’immatriculation) qu’est directement dressée la contravention - c’est au
possesseur du certificat d’immatriculation qu’est adressée la
contravention : tel est notamment le cas pour les infractions au
stationnement ou celles constatées par système automatisé (radar de vitesse ou
radar de feu tricolore) pour lesquelles on ne peut préjuger de l’auteur
véritable de l’infraction.
Si le détenteur du
certificat d’immatriculation est un mineur, on ne peut évidemment lui retirer
des points de permis et, à plus forte raison, le priver d’un titre de conduite dont
il n’a jamais été détenteur. En revanche, s’agissant des amendes pécuniaires,
celles-ci sont directement adressées au titulaire de ce certificat. A ce stade,
deux thèses s’affrontent : l’une soutient que l’action publique ne peut
prospérer, compte tenu de ce qu’une personne mineure est insolvable par
nature ; l’autre considère que le fait d’établir un certificat d’immatriculation
au nom d’une personne mineure, représente un moyen détourné mis en œuvre par un
tiers afin d’échapper à une sanction : étant entendu que le responsable l’infraction
ne peut être, par définition, le mineur mais bien l’auteur réel de l’infraction vis-à-vis de
laquelle le mineur aura joué un rôle de paravent. Dans le cas d’espèce d’Orléans, l’auteur
ne pouvait être que le parent du mineur qui s’est acquitté du prix du véhicule
en cause.
C’est en tout cas en ce
sens qu’a tranché la justice dans l’attente d’une contre-parade plus élaborée en provenance
du ministère de l’intérieur. Celle-ci ne devrait d’ailleurs pas tarder, le
ministre envisageant d’ores et déjà de réviser l’arrêté de février 2009 dans le
sens où il faudrait être détenteur d’un permis de conduire en cours de validité
pour être autorisé à faire immatriculer un véhicule.
Un verrou semble donc
se fermer mais le dernier mot est encore loin d’avoir été dit. La lutte entre le bouclier et l'épée continue donc …