dimanche 13 avril 2014

Stationnement : on n’arrête pas le progrès


Beaucoup de mesures communales en matière de stationnement illicite sont irrégulières. Même si l’Etat en rajoute avec ses projets de dépénalisation, la nécessaire contestation reste encore possible.

Davantage encore que pour les autres catégories d’infractions routières, l’automobiliste éprouve un sentiment d’injustice voire d’arbitraire en ce qui concerne la verbalisation pour stationnement illicite. 

J’ai déjà abordé cette anomalie, pour m’en tenir à un mode mineur, que représentent les « recommandations » d’indulgence de certains édiles en période électorale vis-à-vis du stationnement illégal. Certains maires en prendraient-ils à leur aise ? Plutôt, oui.

L’Automobile Club des Avocats (ACA) vient ainsi de faire annuler par la justice dans une commune des Yvelines les modalités de fixation des tarifs de stationnement : le conseil municipal de la commune en question avait ainsi accordé à son maire la possibilité de fixer, sans limite de montant, les tarifs des droits de stationnement. 

Problème : une telle délégation présentait un caractère général et absolu, ce qui est tout à fait illégal. Il est à parier que ce cas n’est pas unique à l’échelle de nos 36 000 communes. Il incombe à l’avocat de débusquer ces irrégularités. 

Sait-on par ailleurs que le « non-affichage du ticket horodateur » sur le pare-brise de son véhicule ne prouve pas qu’on ne s’est pas acquitté de la redevance et ne constitue donc pas une infraction au sens des textes applicables ? Cela n’empêche nullement les agents municipaux d’invoquer ce motif pour verbaliser, en toute illégalité. Mais cela ne devrait pas empêcher non plus les automobilistes de contester devant la justice ce genre de pratique peu soucieuse des règles de droit.

Sait-on également que les arrêtés municipaux instituant les zones payantes doivent être dûment motivés ? Il s’agit là de la simple application des dispositions du Code général des collectivités territoriales. Combien d’arrêtés de ce type négligent cependant ce genre de précision !

La loi et la réglementation sont impitoyables envers les conducteurs. Elles doivent l’être tout aussi bien, dans un Etat de droit, envers les autorités chargées de sanctionner. Or, celles-ci sont de moins en moins inclines à faire preuve de transparence et encore moins à consentir aux automobilistes le pouvoir de se défendre. Dernier exemple en date : la dépénalisation, à l’horizon de 2017, des PV de stationnement. Le contentieux qui s’y rattache relèvera désormais de juridictions administratives dont on sait qu’elles sont déjà passablement encombrées et tentées de recourir à des procédures expéditives. Comment ne pas voir que le droit administratif restreint singulièrement le champ de la contestation ? Il instaure, en effet, un délai de contestation contraignant alors même que l’identification de l’irrégularité administrative s’avère souvent longue et difficile. 

En tout cas, il y a d’autant plus matière à inquiétude que cette mesure de dépénalisation devrait s’accompagner d’autres mesures comme la fin du tarif unique à 17 euros de l’amende de stationnement. Chaque commune aura ainsi totale latitude de fixer le montant de la sanction – dans la limite du montant journalier de stationnement - pour stationnement illicite. Comme les sommes provenant de ces amendes alimenteront directement les caisses des communes, on peut s’attendre à des méthodes municipales d’autant plus frustes qu’elles auront été déléguées, dans nombre de cas, à des organismes privés pour lesquelles le respect scrupuleux des réglementations n’aura pas la moindre importance face à l’exigence de rentabilité.

Opacité, méthodes brutales, tentation de limiter les droits de contestation seront à la clef de ce nouveau « progrès ». Raison de plus pour que l’automobiliste insiste pour faire légitimement valoir ses droits dans leur plénitude. Qu’on se rassure : il ne sera jamais aussi procédurier que les pouvoirs publics !

dimanche 6 avril 2014

Elections et pédale douce


La répression envers les infractions routières urbaines s’assouplit miraculeusement en période électorale. Ce soi-disant fléau ne serait-il qu’un prétexte ?

Il nous a tellement été asséné que nos centre-ville étaient asphyxiés à cause des automobiles et que les conducteurs étaient de mauvais citoyens insoucieux de l’environnement qu’on a fini par le croire. Seulement voilà : cette vérité universelle cesse de l’être, comme par miracle, durant les périodes électorales.

Dans certaines agglomérations, on a pu constater en effet quelque relâchement dans des contrôles qui s’exerçaient jusque-là avec une sévérité tatillonne au nom de l’intérêt général. Pour tout dire, à la veille des dernières élections municipales, des consignes ont été données discrètement par les édiles de plusieurs dizaines de communes à leurs forces de police de se montrer plus souples envers les contrevenants. Près d’une cinquantaine de cas auraient ainsi été répertoriés sur les 3 600 polices municipales que compte notre territoire. Une telle observation a été confortée par des témoignages qui sont remontés jusqu’aux services du Défenseur des droits.

Il n’est pas si facile de modifier du jour au lendemain des comportements dûment encouragés et  formatés au fil des années comme des dispositifs répressifs. Aussi des fonctionnaires de police ont-ils trouvé à se plaindre d’une telle mansuétude plutôt inattendue. Et ce, d’autant plus que cette mansuétude a pris généralement la forme de consignes orales, bien sûr, quoique parfois avec une insistance marquée.

Ces pratiques chafouines ont beau être considérées comme graves par la présidente de la Ligue contre les violences routières, Mme Chantal Perrichon, il ne faut pas être naïf. On peut tout à fait comprendre l’angoisse de tel ou tel maire sortant en train de jouer sa réélection. Ne pas indisposer l’automobiliste est en temps habituel le cadet de ses soucis. Mais tout change lorsque se profile la perspective du scrutin tant il est vrai que l’automobiliste est aussi un électeur. Il s’agira alors pour le maire de conseiller à ses agents municipaux de « sanctionner avec discernement » sinon de fermer carrément les yeux sur une infraction : et pas seulement l’infraction de stationnement, d’ailleurs, car la police municipale est habiliter à sanctionner pratiquement toutes les infractions routières.

Serait-ce à dire, au passage, que les agents municipaux d’habitude ne sanctionneraient pas avec discernement ? En tout cas, on ne pourra que relativiser les accusations sempiternelles et absolues qu’on prononce contre l’automobile, accusée de tous les maux urbains. En clair, la voiture dans nos villes est un fléau quand celui-ci peut être combattu sans risque. 

On se frottera les mains, du côté de l’Etat comme des collectivités locales, en encaissant le produit sans cesse croissant des amendes routières et notamment celles de stationnement : au nom de la sécurité publique, du décongestionnement des agglomérations, du droit des piétons voire des bons sentiments. Et ce, alors même que les élus peuvent ignorer tranquillement les protestations de leurs administrés, ces conducteurs exaspérés par les harcèlements répressifs. En revanche, ces impératifs perdent singulièrement de leur consistance à la veille d’un scrutin. Faut-il en déduire qu’ils ne sont que des prétextes commodes ou simple affaire de circonstance ? Poser la question revient à y répondre.