La
nouvelle lubie de nos experts en sécurité routière : les platanes, en bordure
de nos routes, constitueraient un danger pour les automobilistes. Faut-il en rire ou en pleurer ?
L’histoire rappelle
un vieux film des Marx Brothers : le tabouret du musicien étant trop
éloigné du piano, Groucho s’échine à rapprocher … le piano.
On y est presque
aujourd’hui avec cette nouvelle « réflexion » sur la « lutte
contre la violence routière », ainsi qu’il est convenu d’appeler désormais
ce que naguère on dénommait bien innocemment l’amélioration de la sécurité sur
nos routes. Mais il faut faire fort, marquer sa détermination, « donner
des signaux » comme on dit de nos jours et surtout, rassurer les sacro-saintes
« associations » (sous-entendu les bonnes, celles qui vénèrent le
principe de précaution jusqu’à l’absurde, pas ces associations d’automobilistes
qui sont tenues pour de nouvelles ligues fascistes).
Le grotesque, on le
sait, n’en a jamais effrayé certains. On s’y ébroue aujourd’hui allègrement
avec cette proposition/projet/hypothèse/piste de recherche à l’attention des
collectivités locales, consistant à dénoncer un nouveau facteur accidentogène :
l’arbre. Eh oui, il fallait y penser ! Les platanes qui bordent certaines
de nos routes ne seraient rien moins que des ennemis contre lesquels il faudrait
se prémunir ou encore, pour mieux dire, se gendarmer.
Un ennemi singulièrement
chafouin, qui sait si bien se fondre dans le décor, s’allier l’esthétique et se
dissimuler derrière l’alibi de la longévité. Quelques-uns de nos platanes, en
effet, n’étaient-ils pas déjà là au temps de Louis XIV ? Mais qu’importe,
il faut ce qu’il faut quand on se targue de modernité !
Il faut cependant être équitable.
Cela fait déjà bien longtemps que le platane est devenu un « marronnier »
si l’on ose dire, à savoir un de ces sujets qui resurgissent invariablement tel le serpent de mer. Il y a quelques années, Jean Glavany,
alors ministre de l’agriculture, désignait déjà les platanes comme un « danger
public ». La présidente de l’Asppar (Association pour la protection des
arbres en bord de routes) Chantal Fauché (cela ne s’invente pas) était alors au
bord de la crise de nerfs. Avec les intentions actuelles de Manuel Valls, nul
doute qu’elle devra bientôt repiquer au Lexomyl.
Le dernier argument en
date ? En 2013, 326 personnes seraient mortes après avoir percuté un
arbre, soit 10% du total des tués sur nos routes. Ce n’est pas rien, il est
vrai. Pourtant, jusqu’à preuve du contraire, un arbre, quelle que soit sa
variété, est un corps inerte … de même que les pylônes électriques, les poteaux
de signalisation, les murets de pierre, les glissières métalliques, ou encore
les véhicules stationnés. Plus du tiers des accidents mortels sur nos voies
impliquent ainsi des obstacles fixes. Faut-il aussi bien interdire ces obstacles objectifs au
motif qu’ils mettraient en péril nos automobilistes ? Faudra-t-il
également, une fois tout obstacle intempestif éradiqué, pratiquer des zones de
sécurité d’une vingtaine de mètres de chaque côté des chaussées, quitte à
transformer celles-ci en circuits de Formule 1 ?
Encore une fois, on
prend le problème de la sécurité routière à l’envers à force de chausser la
lorgnette idéologique ou/et démagogique au détriment de la simple logique.
Après tout, objecterait le simple bon sens, si un automobiliste percute un
platane, ce n’est pas la faute de l’arbre implanté à cet endroit mais bien
celle du véhicule qui aura pu avoir une défaillance mécanique ou, plus sûrement
encore, la responsabilité du conducteur qui n’aura pu ou su rester maître de
son véhicule. Dans la tragique affaire de l’Airbus de la Lufthansa, se serait-on donné le ridicule d’accuser la montagne de
s’être trouvée là au moment du crash fatal ?
Mais rien n’arrête
décidément nos forcenés du cocooning social extrême : 30km/h dans nos
agglomérations, quasi interdiction des véhicules dans les centre-ville, éradication des végétaux au bord de nos routes. Qu’est-ce qui émergera
demain de leur imagination technocratique sans limite ? Où s'arrêtera-t-on ? On n’ose y songer. Aura-t-on dit à ces beaux esprits qu’une route absolument dégagée, de même qu’une vitesse
excessivement basse, est plutôt de nature à endormir la vigilance des
automobilistes ? Leur aura-t-on objecté que les arbres, loin de représenter
un danger, peuvent permettre au contraire de mieux appréhender la route en fournissant
des repères de distance ou de vitesse, et en rendant son tracé globalement plus
lisible ?
Il est vrai que de
telles considérations présentent l’inconvénient de rendre la réflexion beaucoup
plus sophistiquée et contradictoire. Le simplisme est tellement moins fatigant !
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