Si
passer au feu orange est moins grave que « griller le feu rouge »,
cela pourrait tout de même vous occasionner quelques désagréments.
Vous l’aurez sans doute
compris, l’adjectif du titre de cette chronique ne comporte pas de faute d’orthographe
: ce qui est fatal n’est pas le fruit qui, avec la fin de l’été, va redevenir
de saison mais bien ce qu’on appelle en jargon administratif (celui du Code de
la route notamment) le « feu tricolore » qui lui, hélas, est toujours
de saison même s’il est un mal nécessaire.
Le jargon courant, celui
des automobilistes, évoque traditionnellement l’« orange bien mûr »
qui est censé se situer à mi-chemin entre le feu vert et le feu rouge quoique
davantage du côté de ce dernier. Là réside en somme toute l’ambiguïté du feu
orange qui jouera souvent, n’en doutez pas, à votre détriment.
Rappelons donc la
règle. Contrairement à ce qu’on croit généralement, l'arrêt au feu orange (l’article
R. 412-31 du Code de la route, comme s’il voulait demeurer abscons et
entretenir absolument la confusion, parle de « feu jaune »), tout comme celui
au feu rouge, est obligatoire.
Précisons qu’il l’est
en ce qui concerne seulement le feu orange fixe car, dans son inépuisable
inventivité, l’administration a également accouché d’un feu orange… clignotant :
dans ce dernier cas (prévu par l’article R. 412-32 du Code), l’arrêt n’est pas
obligatoire s’il n’entraîne pas de problème de sécurité particulier. Il a
essentiellement pour objet d’attirer votre attention sur un danger spécifique.
Mais revenons à l’orange
fixe. S’il prescrit l’arrêt du véhicule, il ne s’en distingue pas moins du feu
rouge qui impose impérativement l’arrêt immédiat du véhicule à hauteur d’une ligne
matérialisée ou non sur la chaussée. Souvenons-nous, à toutes fins utiles, que
le franchissement du feu rouge est puni sévèrement d’une contravention de 4ème
classe (135 euros d’amende et retrait de 4 points du permis de conduire). Le
non-respect du feu rouge est également passible d’une peine complémentaire de
suspension du permis pour une durée maximale de trois ans (suspension pouvant
être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle).
L’arrêt au feu
orange/jaune n’est, lui, obligatoire qu’en théorie. Dans la pratique, en effet,
le Code de la route prévoit sagement le cas où, quand le feu passe du vert à l’orange,
le conducteur ne peut plus arrêter son véhicule « dans des conditions de
sécurité suffisantes ». Par exemple, en freinant brusquement, il peut
surprendre le véhicule qui le précède et se faire heurter par celui-ci. Dans le
cas inverse, celui où le conducteur pourrait stopper son véhicule mais s’abstient
de le faire, la peine encourue est une contravention de 2ème classe
(amende forfaitaire de 35 euros) qui n’entraîne pas cependant retrait de points
ou suspension du permis.
Tout le problème, on l’aura
compris, est d’affirmer avec certitude que tel conducteur est passé au rouge et
non à l’orange. Si l’administration prévoit donc des circonstances particulières
(simple clause de style ?), vous auriez tort d’imaginer que sa mansuétude est
sans limite.
On renonce ainsi à
dénombrer les cas où les agents de la force publique considèrent d’instinct que
le fait de passer à l’orange mérite d’être sanctionné, quelles que soient les
circonstances. Inutile de préciser que, dans ce type de situation, toute
contestation de votre part – amiable ou devant les tribunaux – est vouée à l’échec
et ce, pour une raison fort simple : il est impossible à l’automobiliste d’apporter
la preuve qu’il est passé à l’orange et non au rouge. En principe, la charge de
la preuve incombe à l’administration mais, dans la pratique encore, elle s’identifie
à l’allégation de l’agent assermenté. Dites-vous bien que le « parole
contre parole » ne sera ici qu’une vue de l’esprit et que le doute ne vous
profitera quasiment jamais.
En fin de compte, il y
a lieu de se demander s’il ne faut pas saluer le déploiement progressif des
radars « feu rouge » (au nombre de 712, en juin 2014) dans nos cités.
Ces dispositifs verbalisent, en effet, les conducteurs passés au rouge et non à l’orange.
Ils résolvent ainsi de facto le problème de l’« orange bien mûr », ce qui est
un progrès indéniable.
Il est vrai que, là
aussi, peuvent apparaître des cas limites, pour lesquels le système automatisé
n’apporte pas de solution véritable et qui tourneront là encore en défaveur de
l’usager : par exemple, les automobilistes qui franchissent la fameuse « ligne
d’effet de feu », laquelle déclenche le dispositif photographique, à leur
corps défendant et pour des raisons de sécurité en cédant le passage à des
véhicules prioritaires (véhicules de police, pompiers, ambulances). Reconnaissons
toutefois que ces cas ne sont pas majoritaires, même s’ils entretiennent bien
volontiers l’esprit légendaire de rouspétance propre à nos compatriotes …
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