dimanche 16 mars 2014

Le droit, avez-vous dit ?


La rengaine commence à être éculée : la recrudescence des infractions routières et le volume, devenu ingérable, de dossiers de réclamation à traiter contraindrait l’administration à automatiser à outrance. Ce qui signifie méthodes expéditives, opacité et surtout dissuasion quant aux réclamations éventuelles.

Le dossier de l’automobiliste contestataire prendrait-il la voie contentieuse ? Là ce sont les cours juridictionnelles surencombrées qui évacuent promptement le recours intempestif, histoire au passage de « faire du chiffre » afin de se faire bien voir du Conseil d’Etat qui a la haute sur les tribunaux administratifs. Le dindon de la farce reste, quoiqu’il advienne, le malheureux conducteur qui doit se faire kamikaze pour persister dans la contestation, étant entendu une bonne fois que la présomption d’innocence – pas plus que des droits de la défense dignes de ce nom - ne s’applique pas au droit routier qui s’avère ainsi exorbitant du droit commun.

Certes, l’accumulation des réclamations routières a donné naissance au fil des années à un contentieux de masse proprement monstrueux. Mais en quoi l’automobiliste lambda en serait-il responsable ou devrait-il en payer les pots cassés ? En tout état de cause, dans un Etat de droit, rien ne saurait faire obstacle à l’organisation de sa défense. Rien, sauf les pouvoirs publics qui ont entrepris de passer à la vitesse supérieure avec la dépénalisation de certains types d’infractions.

Il en va notamment ainsi des infractions d’alcoolémie ou de conduite sans permis. Contraventionnaliser certains délits routiers s’apparente à première vue à de la mansuétude en ce qu’elle affranchit le conducteur en infraction de la hantise de la comparution au pénal. En réalité, il s’agit ni plus ni moins de désengorger artificiellement les tribunaux, de la même façon qu’on vide les prisons afin de résoudre l’aporie du surencombrement dramatique des centres de détention.

On nous serine, par-dessus le marché, qu’il s’agit en l’espèce de rendre la justice plus efficace. Comment peut-on sérieusement le croire ? Prenons ainsi l’exemple des infractions au stationnement payant dont le contentieux, aux termes de la loi votée fin 2013, relèvera désormais du droit administratif et non du droit pénal. 

A ceux qui s’empresseraient de s’esbaudir à une telle mesure, on objectera que le droit administratif aura de facto pour conséquence de restreindre le champ de la contestation. En effet, un arrêté municipal doit être attaqué dans un délai de deux mois à compter de sa publication, sous peine d’irrecevabilité. Passer au crible les arrêtés de quelque 36 000 communes est évidemment chose impossible et l’illégalité de la plupart des mesures prises par les édiles n’apparaîtra que trop tard. 

Cela signifie clairement que nombre de ces mesures, entachées d’irrégularité ou simplement illégales, passeront ainsi à travers les mailles du filet du recours contentieux. Qui oserait prétendre que le droit y trouvera son compte dans la mesure où les automobilistes se verront ainsi privés du pouvoir de se défendre ?

Sans compter qu’en matière de stationnement payant, on devrait assister à l’horizon de 2017 à une explosion des montants des amendes, à la mesure de l’endettement de certaines communes. Au surplus, comme c’est déjà le cas pour certaines opérations telles que l’enlèvement des véhicules en fourrière, les sommes provenant de ces amendes ne transiteront plus par les services de l’Etat mais seront directement récoltées par les communes, celles-ci s’empressant d’en sous-traiter la gestion en recourant aux services d’un organisme public ou privé. On peut déjà prévoir, sans crainte d’erreur, que le résultat en sera un surcroît d’opacité au détriment des conducteurs.

Une justice rapide, voire expéditive, efficace dans la sanction et ne reconnaissant qu’en théorie les droits de la défense. Ainsi se trouve exaucé dans les faits l’idéal de Ségolène Royal, cette laudatrice émerveillée de la justice chinoise …

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