dimanche 27 juillet 2014

Racket à l’italienne


L’Italie tarde à transposer dans son droit national des directives européennes. Et elle en fait supporter financièrement les conséquences à plusieurs de nos ressortissants.

Reconnaissons volontiers que notre pays n’a pas tellement de leçon à donner à ses voisins en matière de bureaucratie ou d’administration kafkaïenne. J’y ajouterai qu’ayant personnellement une inclination avouée pour l’Italie, je répugne aux caricatures faciles et autres raccourcis un peu trop commodes en ce qui concerne ce pays. Et pourtant !

La mésaventure survenue récemment à un de nos ressortissants niçois en Italie est assez édifiante. Ayant acheté un véhicule d’occasion (onze ans d’âge) en Allemagne, il l’a rapatrié en France sans problèmes, muni notamment de la carte grise d’origine et d’un certificat de cession en bonne et due forme. Notre réglementation nationale dispose que, dans une telle situation, le propriétaire dispose d’un mois franc pour faire établir une carte grise française. Durant la période intermédiaire, notre conducteur a contracté une assurance afin de pouvoir circuler normalement.

C’est alors qu’il eut la funeste idée de faire un saut en Italie, la frontière étant toute proche. Pas de problème à l’aller avec les douanes françaises. C’est au retour que l’affaire s’est corsée. Interpelé par les douanes italiennes à Vintimille, il s’est vu confisquer son véhicule au motif que les plaques d’immatriculation n’étaient pas conformes et qu’au surplus, son assurance n’était pas valide. Moyennant quoi, il s’est vu infliger une série de quatre amendes pour un montant total dépassant les mille euros ! En outre, il a dû signer les PV d’infraction sans comprendre un traître mot de ce qui y était mentionné – les carabiniers lui refusant le recours à un interprète – faute de quoi il eut été incarcéré. 

Enfin et surtout, il lui a été signifié que son véhicule serait de toute façon immobilisé pour une durée minimale de trois mois, qu’il s’acquitte ou non des amendes susdites. En effet, une dernière amende doit être traitée à part par les services préfectoraux d’Imperia et on n’en connaît pas encore le montant. Tout dépend donc de la célérité de ces services pour le traitement en question et il n’y a pas de raison pour que ces trois mois d’attente – en l’espèce, trois mois de privation de son bien – n’en deviennent pas quatre voire six au final. Fermez le ban !

Au-delà de la brutalité du traitement réservé à notre ressortissant – et je me refuse à croire que l’origine ethnique de son patronyme y ait été pour quelque chose – se trouve soulevé un problème de droit lancinant. En effet, renseignements pris, plusieurs dizaines de dossiers à peu près analogues impliquant des Français seraient actuellement en souffrance auprès des juridictions italiennes.

Le problème résulte de ce que l’Italie n’a pas encore transposé dans son droit national certaines directives européennes prescrivant la prééminence donc l’application des réglementations et législations nationales d’origine. Dans ce cas précis, c’est bien le droit français qui aurait dû trouver à s’appliquer. Ce faisant, notre conducteur n’avait commis aucune infraction. En effet, il disposait d’un certificat de cession mentionnant l’immatriculation d’origine du véhicule, en Allemagne. Il roulait donc normalement avec des plaques allemandes dans l’attente d’une immatriculation française. Par ailleurs, il était couvert par son assurance et était détenteur d’un permis de conduire en cours de validité.

Pourquoi tout s’est subitement compliqué en Italie ? Les autorités compétentes de ce pays ont simplement estimé que les plaques allemandes n’étaient pas valables, apposées sur un véhicule dont le propriétaire était français et résidait en France. En Allemagne, les plaques sont attachées à la personne du propriétaire du véhicule et non à ce dernier. Elles restaient donc au propriétaire allemand même après la vente par ce dernier de son véhicule. Les Italiens ont donc considéré que notre malheureux propriétaire français roulait avec de fausses plaques et que sa police d’assurance, en ce qu’elle renvoyait à l’immatriculation allemande, n’était pas valide. 

Notre malheureux conducteur s’est ainsi trouvé, aux yeux de l’administration italienne, dans la situation de recel d’un véhicule volé. On peut donc comprendre, tout en le déplorant bien sûr, le raisonnement qui a été appliqué par l’administration transalpine. 

En revanche, on a beaucoup plus de mal à comprendre la sévérité voire l’autisme de cette même administration envers des ressortissants peu au fait de la carence italienne consistant à retarder la retranscription du droit européen dans le droit national. En outre, dans le cas de notre compatriote, celui-ci ne pouvait être regardé comme un voleur compte tenu du certificat de cession et de la carte grise (cette dernière ayant été également confisquée au passage) dont il s’est prévalu pour preuve de sa bonne foi. Enfin, la multiplication ubuesque des amendes de même que leur montant astronomique, comparé à la nature de l’infraction, font plutôt penser à un racket qu'à l’application sereine du droit avec le discernement dont la justice italienne est, par ailleurs, tout aussi capable qu’une autre. Ceci est d’autant plus consternant qu’une telle intransigeance frappe le ressortissant d’un pays voisin et ami. 

Sans évidemment se prendre à souhaiter des mesures de rétorsion de la part de l’Etat français, il apparaît aujourd’hui urgent que nos pouvoirs publics se saisissent de ce problème pour le moins choquant.

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