dimanche 19 juillet 2015

Sécurité ou rentabilité ?



Accentuant sans cesse sa répression aveugle envers les automobilistes, l’Etat conduit sa politique de sécurité à une impasse dangereuse.

Plus les preuves se multiplient et plus les pouvoirs publics s’enferment dans leurs contradictions. Preuve de quoi ? Tout simplement de ce que la sacro-sainte politique de sécurité qu’on nous assène quotidiennement n’en est pas vraiment une et que ses impératifs ne relèvent en réalité que d’une rentabilité financière bien comprise.

Hier était dénoncée à juste raison l’inadéquation foncière entre les sites d’implantation des radars de détection de vitesse et les lieux considérés comme les plus accidentogènes. Face à cette dénonciation, les arguments des pouvoirs publics s’étaient assez lamentablement empêtrés et n’étaient en rien convaincants. 

Cette fois, l’excellent magazine hebdomadaire Auto-Plus publie un classement des policiers qui verbalisent le plus sur les routes, établi d'après un document présenté comme fiable et dont il n’existe aucune raison de remettre sa sincérité en cause. Selon cette publication, une prime d’un montant de 600 euros serait même octroyée aux unités se situant en tête du « hit-parade » hiérarchisant les performances des neuf compagnies autoroutières CRS et des 22 unités de police motorisée. Un nombre de points serait ainsi accordé à chaque unité en fonction du nombre de PV distribués au cours de l’année écoulée, les cumuls de points servant à distinguer les deux unités et les deux compagnies les plus performantes : en clair, celles qui sont destinées à recevoir la prime en question. Aux dernières nouvelles, pour le classement établi de juin 2014 à mai 2015, the winners are : les unités d'Ile-de-France Nord et Ile-de-France ainsi que, pour les motards, celles de Pau et Reims. 

Que les forces de l’ordre chargées d’assurer la sécurité sur nos routes obéissent à une politique du chiffre de plus en plus effrénée, chacun s’en doutait un peu. Mais le fait d’en administrer la preuve tangible n’est jamais inutile et présente, en tout cas, le mérite de couper court au mépris que les pouvoirs publics expriment généralement envers ce genre de « fantasme » forcément populiste, cela va sans dire.

Nul doute, d’ailleurs, que l’Etat s’échinera à trouver tant bien que mal une parade crédible en prétextant par exemple, faisons-en le pari, qu’une prime de motivation ne peut faire de mal. Ah bon ! Pour ma part, j’avais la faiblesse d’imaginer que le seul souci de préserver la sécurité de nos concitoyens sur les routes était déjà en soi une source de motivation.

Au-delà de la simple incitation, force est d’admettre, contrairement à ce que laisse entendre l’Etat, que la répression demeure plus que jamais privilégiée par rapport à la prévention. Ensuite, on ne peut que pointer du doigt le caractère malsain d’une politique du chiffre indifférenciée. Celle-ci expose, en effet, les policiers aux pressions croissantes de leur hiérarchie - sans parler de la concurrence obligée entre collègues - au risque d’occulter définitivement leur capacité de discernement. Ainsi, plus que jamais régnera sur nos routes le sempiternel « je ne veux rien savoir » d’une maréchaussée impénétrable aux arguments, pas toujours absurde, des automobilistes. D’où un fossé qui est voué à se creuser encore davantage entre les usagers de la route et les forces de l’ordre avec, à la clé, une sanction de moins en moins acceptée et, corollairement, la tentation de plus en plus manifeste pour les cibles de contourner les règles en vigueur. Sans parler, bien évidemment, de la différence de traitement des conducteurs selon qu’ils relèvent ou non d’une région où la répression s’avère efficace.

Avec de telles réalités, la politique de sécurité va tout droit dans le mur pour faire fi de son acceptabilité sociale. Une répression sans cesse plus aveugle sur nos routes ; un système de verbalisation de plus en plus dématérialisé et ne laissant a priori au conducteur que peu de chance de prouver sa bonne foi voire son innocence ; une charge de la preuve qui, d’ailleurs, incombe théoriquement aux services de l’Etat mais qui, à l’instar de ce qui se passe en contentieux fiscal, se déporte de plus en plus sournoisement sur l’automobiliste ; une justice expéditive, qui n’admet plus d’appel en matière de retrait de points ; des référés suspensions traités de manière quasi automatique par voie d’ordonnance et interdisant en pratique à l’avocat de plaider correctement la cause de son client. Serait-ce du non droit au « pays des droits de l’homme » ? On en jurerait.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire