jeudi 5 juin 2014

Du bon usage de la confusion


Décidément, je serai toujours étonné par le décalage existant entre les rapports des experts ou prétendus tels et la réalité vécue sur le terrain. Dieu sait qu’il nous est quotidiennement asséné que la voiture est le mal principal de nos cités et que la vitesse au volant est le danger absolu.

Et pourtant, il suffit de circuler une toute petite heure sur la voie publique d’une de nos grandes agglomérations pour mesurer l’inanité de ce constat. Les encombrements urbains ? Trop peu de places de stationnement proposées pour toujours plus de véhicules. Etant entendu, soit dit en passant, que l’écrasante majorité de ces véhicules n’a pas pour vocation de faire du tourisme mais de transporter des gens qui travaillent et ne peuvent faire autrement. La vitesse ? Justement, s’il y a autant d’encombrements et de bouchons dans nos villes, comment faire croire que la vitesse en serait le fléau majeur ?

Comme souvent, nos fameux experts passent à côté du vrai problème qui est celui de l’incivisme. Cette tendance grandissante s’exprime dans nos rues et avenues par le refus ou le mépris des règles communes, tout simplement. Griller un feu délibérément, par exemple, et non plus seulement comme auparavant passer à l’ « orange bien mûr »  ; ou refus de respecter la priorité, un « céder le passage » voire un « stop ». Au point que certains automobilistes en oublient presque de bonne foi la règle et croient mordicus qu’un « stop » ne saurait prévaloir sur la priorité à droite ! 

Il y a aussi ces deux-roues, les cyclistes tout particulièrement, qui se fichent totalement des arrêts imposés ou des sens de circulation ; qui ne regardent même pas à droite ou à gauche en franchissant un carrefour où ils n’ont d’ailleurs pas forcément la priorité et qui n’entendent même pas à cause des écouteurs bien enfoncés dans leurs oreilles.

Qui n’a constaté également que les conducteurs mettent de plus en plus souvent leur clignotant de changement de direction lorsque cela leur chante et qu’ils se moquent éperdument des files de circulation qui imposent de tourner, quitte à bloquer tout le monde ?

Tellement familiers à l’observateur qui cherche à voir la réalité en face, ces comportements au volant ne sont rien moins que de l’incivisme : refus des règles, mépris de son voisin. Mais nos experts ès-circulation n’en semblent pas perturbés pour autant. Bien au contraire, ils en rajoutent dans les difficultés à circuler : en rétrécissant à l’extrême les voies, en élargissant exagérément les voies de bus ou en disposant des murets ici ou là ; ou en plaçant des sens interdits d’une façon aberrante, digne du fameux sketch de Raymond Devos, ou encore en permettant aux cyclistes de s’affranchir de la règle commune. A –t-on vraiment mesuré, en termes de confusion et d’effets pervers, l’introduction de facto d’un code de la route à plusieurs vitesses ? Aujourd’hui les cyclistes, demain les deux-roues dans leur ensemble, puis fort logiquement tout conducteur de véhicule écoeuré par une telle discrimination.

Ce sont bel et bien les pouvoirs publics qui, au fil de leurs mesures stupéfiantes, ont aggravé la confusion et créé la chienlit dans nos cités. Au nom d’une idéologie ou d’un politiquement correct, certes, mais surtout en résultat d’une analyse parfaitement abstraite ou soi-disant statistique de la situation.

Je me disais étonné par une telle confusion mais je n’en suis pas pour autant surpris. S’en prendre de front à l’incivisme aussi périlleux qu’abstrait aux yeux de nos administrateurs. La réponse à la vitesse – les radars – a du moins le mérite de la clarté. En revanche, comment lutter contre l’incivisme qui est un phénomène beaucoup plus global que la circulation automobile ?

Sans doute y a-t-il là matière à réflexion. Mais il faut bien le comprendre : s’en dispenser rendra forcément aléatoire voire dérisoire les diverses mesures de régulation. La dernière en date est ce projet d’autoriser bus, taxis et véhicules de covoiturage à emprunter la bande d’arrêt d’urgence autour des grandes villes. Songer à décongestionner l’entrée des agglomérations est bien mais ne pas multiplier les mesures délibérées de blocage de la circulation est encore mieux.

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