Décidément, je serai toujours
étonné par le décalage existant entre les rapports des experts ou prétendus
tels et la réalité vécue sur le terrain. Dieu sait qu’il nous est
quotidiennement asséné que la voiture est le mal principal de nos cités et que
la vitesse au volant est le danger absolu.
Et pourtant, il suffit
de circuler une toute petite heure sur la voie publique d’une de nos grandes
agglomérations pour mesurer l’inanité de ce constat. Les encombrements urbains ?
Trop peu de places de stationnement proposées pour toujours plus de véhicules.
Etant entendu, soit dit en passant, que l’écrasante majorité de ces véhicules n’a
pas pour vocation de faire du tourisme mais de transporter des gens qui
travaillent et ne peuvent faire autrement. La vitesse ? Justement, s’il y
a autant d’encombrements et de bouchons dans nos villes, comment faire croire
que la vitesse en serait le fléau majeur ?
Comme souvent, nos
fameux experts passent à côté du vrai problème qui est celui de l’incivisme.
Cette tendance grandissante s’exprime dans nos rues et avenues par le refus ou
le mépris des règles communes, tout simplement. Griller un feu délibérément,
par exemple, et non plus seulement comme auparavant passer à l’ « orange bien
mûr » ; ou refus de respecter la priorité, un « céder le
passage » voire un « stop ». Au point que certains
automobilistes en oublient presque de bonne foi la règle et croient mordicus qu’un
« stop » ne saurait prévaloir sur la priorité à droite !
Il y a aussi ces deux-roues,
les cyclistes tout particulièrement, qui se fichent totalement des arrêts
imposés ou des sens de circulation ; qui ne regardent même pas à droite ou
à gauche en franchissant un carrefour où ils n’ont d’ailleurs pas forcément la
priorité et qui n’entendent même pas à cause des écouteurs bien enfoncés dans
leurs oreilles.
Qui n’a constaté
également que les conducteurs mettent de plus en plus souvent leur clignotant
de changement de direction lorsque cela leur chante et qu’ils se moquent
éperdument des files de circulation qui imposent de tourner, quitte à bloquer
tout le monde ?
Tellement familiers à l’observateur
qui cherche à voir la réalité en face, ces comportements au volant ne sont rien
moins que de l’incivisme : refus des règles, mépris de son voisin. Mais
nos experts ès-circulation n’en semblent pas perturbés pour autant. Bien au
contraire, ils en rajoutent dans les difficultés à circuler : en
rétrécissant à l’extrême les voies, en élargissant exagérément les voies de bus
ou en disposant des murets ici ou là ; ou en plaçant des sens interdits d’une
façon aberrante, digne du fameux sketch de Raymond Devos, ou encore en
permettant aux cyclistes de s’affranchir de la règle commune. A –t-on vraiment
mesuré, en termes de confusion et d’effets pervers, l’introduction de facto d’un
code de la route à plusieurs vitesses ? Aujourd’hui les cyclistes, demain
les deux-roues dans leur ensemble, puis fort logiquement tout conducteur de véhicule
écoeuré par une telle discrimination.
Ce sont bel et bien les
pouvoirs publics qui, au fil de leurs mesures stupéfiantes, ont aggravé la
confusion et créé la chienlit dans nos cités. Au nom d’une idéologie ou d’un
politiquement correct, certes, mais surtout en résultat d’une analyse
parfaitement abstraite ou soi-disant statistique de la situation.
Je me disais étonné par
une telle confusion mais je n’en suis pas pour autant surpris. S’en prendre de
front à l’incivisme aussi périlleux qu’abstrait aux yeux de nos
administrateurs. La réponse à la vitesse – les radars – a du moins le mérite de
la clarté. En revanche, comment lutter contre l’incivisme qui est un phénomène
beaucoup plus global que la circulation automobile ?
Sans doute y a-t-il là
matière à réflexion. Mais il faut bien le comprendre : s’en dispenser
rendra forcément aléatoire voire dérisoire les diverses mesures de régulation.
La dernière en date est ce projet d’autoriser bus, taxis et véhicules de
covoiturage à emprunter la bande d’arrêt d’urgence autour des grandes villes.
Songer à décongestionner l’entrée des agglomérations est bien mais ne pas
multiplier les mesures délibérées de blocage de la circulation est encore
mieux.
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