mercredi 4 mars 2015

Ne nous laissons-pas impressionner !



Pas de stress inutile lors d'une interpellation, surtout si vous n'avez rien à vous reprocher. Ce que prétendent les forces de l'ordre n'est pas forcément vérité d'évangile.

Il serait vraiment regrettable que les forces de l’ordre qui ont connu, et c’est justice, leur heure de noblesse le 14 janvier dernier, se laissent glisser dans des travers consternants par des « fiers-à-bras » débiles qui n’hésitent pas à abuser de leur pouvoir.

La scène se passe à Megève en plein après-midi. Un 4 x 4 roule tranquillement dans le centre-ville et s’apprête à stationner. Déjà, les passagers du véhicule ont décroché leur ceinture de sécurité en prévision de l’arrêt. Un ultime feu rouge et là, c’est le psychodrame. Un gendarme surgit, frappe de son poing le pare-brise du véhicule et enjoint le conducteur de s’arrêter … comme si d’ailleurs ce n’était déjà fait, le véhicule étant immobilisé par le feu rouge.

Tout à son agressivité vengeresse, ledit gendarme ne perdit pas de temps à saluer les automobilistes, comme c’est pourtant l’usage élémentaire de courtoisie, et se mit à menacer avec véhémence le conducteur du véhicule un peu interloqué. D’aucuns, observant la scène de loin, auraient pu croire à l’heureuse interpellation sur la voie publique de quelque terroriste islamique ou autre individu recherché, mais non ! Il ne s’agissait que d’honnêtes citoyens, ne se signalant ni par un comportement inapproprié ni par quelque dérapage verbal répréhensible. Des citoyens respectueux de l'ordre et de ses représentants, le conducteur étant même un guide chamoniard de haute montagne unanimement respecté par le PGHM (Peloton de gendarmerie de haute montagne). 

Alors pourquoi de telles menaces ? Tout simplement parce que les trois passagers du véhicule avaient décroché leur ceinture de sécurité quelques secondes avant le moment où ils auraient dû le faire. Au-delà du caractère vétilleux et presque comique du procédé, quasiment tiré d’une scène de Louis de Funès, on pourrait en déduire, le sourire aux lèvres : bon, mais après tout la loi c’est la loi et ce gendarme – fût-il adepte du rendement ou, plus sûrement, du traditionnel « je ne veux rien savoir » -  n’aura fait que l’appliquer. Soit ! Mais à supposer même qu’il fût là pour faire respecter la loi, justement, la suite aurait tôt fait de nous convaincre que ce représentant de la maréchaussée n’en avait lui-même qu’une connaissance passablement approximative.

En effet, le gendarme menaça le conducteur, qui avait conservé sa ceinture attachée, à la différence de ses passagers, de lui infliger une amende de 750 euros (contravention de 4ème classe) et de 3 points de permis pour chacun des trois passagers fautifs : soit au total une amende de 2 250 euros et un retrait de 9 points ! Sur ce, le représentant de l’ordre releva le numéro de plaque minéralogique du véhicule et disparut avant même que le moindre dialogue pût s’engager.

La leçon de cette mésaventure est tout de même cocasse car, en réalité, le conducteur du véhicule incriminé ne risque strictement rien. Soit le gendarme a voulu jouer les « durs » et les « justiciers » - ce qui n’est pas tout à fait sa mission - soit il ignorait la loi et en l'espèce les modalités d'application de l'article R. 412-1 du Code de la route -  ce qui est déjà plus gênant - soit encore il ne se trouvait pas dans son état normal. Toujours est-il que la règle est la suivante : le propriétaire ou le conducteur d’un véhicule ne peut être tenu responsable pécuniairement d’infractions commises par ses passagers (sauf si ceux-ci sont mineurs, ce qui n’était pas le cas) ; en outre, aucune faute ne pouvant lui être personnellement reprochée, il ne se verra bien évidemment retirer aucun point de permis.

Au demeurant, même si, par extraordinaire, le conducteur était passible d’un retrait de points, viendrait alors à s’appliquer la règle des « deux tiers » : pour une même infraction, il ne pourrait perdre de points que dans la limite des deux tiers de son quota de points (donc 8 au maximum). En tout état de cause, il est tout bonnement impossible qu'un conducteur se voie infliger un retrait de 9 points d’un bloc.

En conclusion, il est à espérer que le gendarme de l’histoire, lorsqu’il enfourche sa moto, ait une connaissance moins floue du code de la route. Il en va, en effet, de la sécurité d'autrui. Il est également à espérer qu'un tel comportement d'un représentant de l'ordre ne soit que marginal, ce qui est heureusement plus que probable.

Le problème, on ne le répétera jamais assez, est que, sous couvert d’efficacité, l’instauration d'une automatisation de la sanction aboutit à déconnecter celle-ci de la commission, réelle ou supposée de l’infraction : en sorte qu’il devient plus difficile de contester, ce qui est sans doute le but recherché par l’administration. Souhaitons en tout cas que, dans son rapport qui donnera lieu à un avis de contravention automatisé que l’intéressé recevra à son domicile, le gendarme retrace l’exacte vérité des faits et ne la modifie pas a posteriori au gré de son humeur, fort de ce que sa parole d’assermenté compte davantage que celle des gens qu’il verbalise. Par bonheur, dans notre cas de figure, il y avait des témoins fiables et impartiaux. Ceci est crucial au moment de passer devant le juge, dès lors que le spectre de la mauvaise foi risque de biaiser le débat.

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