mardi 26 février 2013

Chronique de rentrée

Il faut toujours se méfier des cadeaux de l’Etat. Ils recèlent souvent un piège, surtout lorsqu’ils se produisent à    l’automne … au temps de la collecte des impôts. Cette fois, le piège est on ne peut plus apparent et il a d’ailleurs été annoncé depuis des semaines, comme il se doit à grands renforts de publicité.

Pensez donc ! La France est leader – qui l’eut cru ? – dans un secteur technologique de pointe : celui des radars routiers. Jadis, on s’extasiait devant les « smart weapons », les armes dites intelligentes. Aujourd’hui, il nous est demandé de nous esbaudir devant les radars dits intelligents, mobiles ou discriminants. Le fleuron en est ce fameux « radar tronçon » qui contrôle la vitesse moyenne pratiquée par les usagers sur une portion de plusieurs kilomètres entre deux points. Le principe en est simple : calculer la vitesse moyenne d’un véhicule sur une portion déterminée afin de vérifier s’il n’a pas pu, à un moment ou un autre, excéder la vitesse maximale autorisée.

On peut faire confiance au génie inventif français dès lors qu’il s’agit d’améliorer l’efficacité de l’appareil d’Etat et, mieux encore, de sanctionner les contribuables. Au terme d’une période de test de plusieurs de ces radars tronçons, le premier de ces systèmes est entré en service il y a une semaine dans le Doubs, plus précisément sur la RN 57 près de Besançon. Inutile d’ajouter que les autorités publiques en attendent monts et merveilles : en matière de sécurité routière fera valoir une langue de bois toujours prête à servir ; en matière de rentrées fiscales, rectifiera un bon sens populaire qui, en l’occurrence, n’est en rien populiste.

D’ailleurs, les faits viennent à l’appui de ce bon sens populaire. Dans sa précipitation à installer son dispositif d’avant-garde, l’Etat en a oublié de respecter ses propres règles ! En effet, le décret du 3 mai 2001 relatif au contrôle des instruments de mesure impose en son article 6 une publication officielle, comme pour tout acte de nature réglementaire. Il se trouve que l’Etat a tout simplement omis cette formalité dont l’absence entraîne de facto la non opposabilité aux automobilistes. Cette anomalie n’a d’ailleurs pas manqué d’être relevée par l’Automobile Club des Avocats.

Outrée par ce qu’elle considère sans doute comme un formalisme de mauvais aloi, la Sécurité routière conteste l’argument en soulignant que la procédure d’homologation de ce radar a été réalisée correctement et que le certificat d’homologation, du 6 juillet 2012, a été publié officiellement sur le site internet du Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE). Elle n’en oublie pas moins le respect du décret évoqué plus haut du 3 mai 2001.

On rappellera pour la forme que les règles de droit doivent être respectées par tout un chacun, y compris les autorités publiques. Ainsi, il ne serait pas concevable dans un Etat de droit que l’on exige de l’automobiliste le respect absolu des règles routières, au km/h près, alors que l’Etat s’en affranchirait dans une précipitation assez pitoyable à réprimer à tout prix. Piégé par sa propre précipitation, l’Etat n’a pas eu le cœur d’attendre deux ou trois semaines de plus, le temps que le certificat d’examen de la LNE soit dûment publié au Bulletin officiel.

On ne doute pas que ces mêmes autorités affirmeront la main sur le cœur que la sécurité routière n’attend pas. Les esprits les moins crédules traduiront d’eux-mêmes que ce sont plutôt les rentrées fiscales qui n’attendent pas …

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