mardi 26 février 2013

Dormir ou conduire …



Le phénomène sous-estimé depuis des lustres mais il commence désormais à se savoir : l’endormissement ou la somnolence au volant est une des causes majeures d’accident. Il n’est pas rare que des panneaux lumineux sur les autoroutes nous mettent en garde : « Somnolence au volant : première cause d’accident. » Il n’y a rien de plus exact, la somnolence étant à ce jour la cause d’un gros tiers de ces accidents autoroutiers, loin devant l’alcool (1 accident sur 6) et la vitesse (1 accident sur 10). Cela rend au passage assez dérisoire, en termes de sécurité routière pure, les mesures de multiplication des radars de vitesse sur les autoroutes qui ne sont en fait qu’affichage. L’ennui est que le radar de détection de somnolence, lui, n’est pas près d’être inventé. Et pourtant !

Sait-on qu’un conducteur sur trois souffre de somnolence au volant ? Que près de 90 000 accidents sont liés chaque année en France à la somnolence ? Que celle-ci est responsable de près de 20% des accidents sur l’ensemble du réseau routier ? Que sept Français sur dix déclarent ressentir des périodes de somnolence dans la journée (enquête TNS Sofres de 2004) ? Qu’une personne sur cinq tend à s’endormir de façon involontaire ?

Ces chiffres font frémir. On se trouve là en présence d’un véritable fléau sur lequel on ne s’est sans doute pas suffisamment penché. Il est vrai qu’il n’est pas très spectaculaire, peu médiatique et médiocrement valorisant du point de vue de la politique de sécurité routière. Un fléau à facettes multiples :

1°) sur un plan très basique, c’est une question de civisme qui renvoie aux conducteurs un peu machistes qui présument de leurs forces et jouent à superman. Partant du principe que la fatigue au volant, c’est pour les autres, et qu’ils connaissent parfaitement leurs limites – ou, plus exactement, leur absence de limites – ces automobilistes se ermettent de conduire des heures ou des centaines de kilomètres durant. Certains rouleront de Paris à Nice d’une seule traite. D’autres mépriseront les recommandations d’usage pour lutter contre la somnolence : pause toutes les deux heures, respect des limites de vitesse, déjeuner léger, etc. D’autres encore conduiront alors même qu’ils se savent en situation de « dette de sommeil » : on qualifie ainsi toute restriction de sommeil, délibérée (sortie nocturne) ou contrainte (surcroît de travail), qui augmente la somnolence le lendemain.

Affirmons-le tout net. De tels conducteurs sont d’authentiques irresponsables sinon des dangers publics, à un degré à peine moindre que ceux atteignant des vitesses vertigineuses ou prenant le volant en état d’ébriété. Dans un cas à peine moins répréhensible sont les conducteurs ayant absorbé des médicaments sans tenir compte de la notice d’utilisation : le cas le plus flagrant est celui des psychotropes, dont nos compatriotes sont les premiers consommateurs européens, mais il existe des tas d’autres médicaments produisant des effets secondaires tout aussi indésirables.

Dans tous ces cas, il s’agit cependant davantage d’un problème moral individuel que d’un problème pénal susceptible de sanction. Il est en effet impossible d’identifier ce type de situation autrement qu’après la survenance d’un accident.

En règle générale, l’implication d’un seul véhicule dans un accident, joint à l’absence de trace de freinage, est typique d’une hypovigilance. Il est juste également de préciser que ce type de situation reste assez marginal dans le contexte général de la somnolence.

2°) Beaucoup plus répandue, malheureusement car elle n’a plus rien à voir avec la bonne volonté de chacun, est la somnolence « naturelle » de l’automobiliste pouvant tout aussi bien dégénérer en hypovigilance. Malgré toutes les précautions et le respect scrupuleux des recommandations préventives, l’automobiliste peut être encore sujet au fameux « coup de barre » ou « coup de pompe » précédant de peu l’endormissement.

Il s’agit notamment des gens qui présentent des troubles diurnes allant de la simple baisse d’attention à l’endormissement brutal et incontrôlable. Près de 2,5 millions de personnes seraient dans ce cas. Sans même présenter de troubles spécifiques, il existe des périodes d’assoupissement naturelles pouvant s’avérer mortelles. Les conducteurs les plus exposés sont les moins de 25 ans, les plus de 50 ans et les travailleurs à horaires irréguliers. Sachons que le risque d’accident est multiplié par 2,7 si le temps de sommeil total sur 24h est inférieur à 5h et par 5,6 si le conducteur roule la nuit entre 2h et 5h du matin.

La répression étant hors de propos dans toutes ces situations, l’accent est mis et devra l’être de plus en plus sur la prévention et sur la connaissance médicale du phénomène (en particulier par des moyens supplémentaires à la disposition de la « médecine du sommeil » et des unités de soins spécialisés). Sur ce plan, la France est en retard par rapport à ses voisins européens. Cela coûtera cher ? Mais les moyens mis en œuvre pour lutter contre la vitesse ou l’alcool au volant ne sont pas donnés, eux non plus. Il s’agit bel et bien de protection de la société.

Dans tous les cas, que les automobilistes se rassurent : la somnolence n’est pas une infraction au Code de la route. Certes, mais ils peuvent aussi bien mourir rassurés …

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