mardi 26 février 2013
L’arme fatale
Automobilistes, avez-vous bien mesuré les risques que vous prenez dès que vous prenez place au volant de votre véhicule ? Sitôt que vous actionnez votre clef de contact, sachez que vous pouvez être tenu pour un contrevenant potentiel.
Ainsi, ne vous avisez surtout pas de répondre au téléphone même si votre véhicule se trouve encore à l’arrêt sur son emplacement de stationnement. Vous seriez immédiatement passible d’une contravention de 4ème classe : à savoir une amende de 135 euros et un retrait de 3 points de votre permis de conduire. Votre bon sens naturel vous inciterait à vous demander quelle existence, y compris la vôtre, vous avez pu mettre en danger en répondant simplement au téléphone alors même que vous ne circulez pas. Hélas, hélas ! Le bon sens n’a strictement rien à voir dans cette affaire car c’est la règle qui prévaut. Et la règle impose que le contact de votre moteur soit coupé quand vous téléphonez.
Il y a pire, évidemment. En fait, les conducteurs ne le savent pas vraiment – cela vaut peut-être mieux – mais ils circulent en permanence avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête. De quoi s’agit-il ? De l’article R. 412-6 du Code de la route, lequel a été enrichi par un décret du 30 juillet 2008. En bref, cet article, tout en rappelant les principes de prudence, de respect d’autrui et, pour tout dire, de civisme devant s’attacher à la conduite automobile, impose au conducteur de rester maître en toute circonstance de son véhicule : « II. Tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d’exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres qui lui incombent. »
Soulignons à quel point il peut être nécessaire, en ces temps d’incivisme galopant, de rappeler les principes de prudence et de respect d’autrui. Personne de sensé ne saurait s’inscrire en faux contre de telles prescriptions. D’ailleurs, elles nous sont quasiment imposées d’en haut car elles figurent explicitement dans les règles internationales en matière de circulation routière auxquelles la France a adhéré.
La prudence, soit. Le respect de son voisin, soit encore. Mais pourquoi traduire ces principes moraux dans des dispositifs juridiques aussi contraignants que celui consistant pour le conducteur à conserver en toute hypothèse la maîtrise de son véhicule ? Certains diront, et ils seront loin d’avoir tort : pour faire comprendre qu’il existe des usagers des voies ouvertes à la circulation autres que les automobilistes et qu’il y a lieu de faire preuve d’une prudence accrue à l’égard des usagers les plus vulnérables. L’intention est louable. Pourtant, encore une fois, pourquoi édicter une règle juridique aussi absolue ?
Il y a, en effet, le principe et il y a des situations concrètes pouvant advenir quotidiennement. Est-il toujours possible, en toute circonstance, de conserver la maîtrise de son véhicule ? Prenons le cas du cycliste qui grille le feu rouge à un carrefour non pas pour tourner sur sa droite (comme le laxisme réglementaire ambiant l’y autorise désormais) mais pour aller tout droit. Est-on sûr que le conducteur qui croisera sa route et qui, lui, est passé au vert pourra arrêter sa course même s’il roule à vitesse réduite ?
Second cas : le piéton inattentif ou inconscient qui se précipite inopinément pour traverser la chaussée. Il n’est pas certain que le véhicule circulant normalement pourra l’éviter.
Dans ces deux cas, le bon sens élémentaire est du côté de l’automobiliste. Dans ces deux cas pourtant, les forces de l’ordre pourront donner tort à ce même automobiliste en se prévalant du fatal l’article R. 412-6. Maîtrise, maîtrise et, pour le reste, on ne veut rien savoir comme de juste.
Voilà pourquoi le conducteur roule sous le coup d’une menace permanente. Juridiquement, c’est lui qui est devenu au fil des années le plus vulnérable. Quand les pouvoirs publics se pencheront-ils sérieusement sur l’incivisme ou l’irrespect des deux-roues à l’égard des piétons ? Ou encore des piétons traversant au feu rouge, sous prétexte que le piéton a toujours raison et que la voiture n’a décidément plus aucun droit ?
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire