mardi 26 février 2013

Indignation ne vaut pas raison


Comment ne pas comprendre Christian Estrosi lorsqu’il réclame – à l’occasion d’un énième accident de la route mortel causé dans sa ville de Nice par un irresponsable au volant – davantage de sévérité envers les automobilistes fauteurs d’accidents sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants ? Ici même, nous avons souvent dénoncé cette catégorie de conducteurs qui sont les vrais chauffards et constituent de réels dangers pour la société.

Hélas, à considérer l’arsenal des mesures mises en œuvre à ce jour, les pouvoirs publics s’obstinent à accorder encore et toujours la priorité aux excès de vitesse. Les dernières statistiques en date en apporteraient encore prétendument la confirmation. Evidemment, ces statistiques s’abstiennent de faire la différence entre les grands excès de vitesse – ceux qui représentent à l’évidence un danger – et les dépassements de 10 voir de 20 km/h la vitesse autorisée dont on ne peut sérieusement soutenir qu’ils relèvent d’une mentalité de « chauffard ». Il n’en reste pas moins que l’Etat s’obstine à faire une fixation obsessionnelle sur la vitesse, nettement plus rentable en termes de sanctions pécuniaires : de fait, il minimise relativement les infractions dues à l’alcool ou à la drogue.
Donc, le député-maire de Nice a raison de s’interroger sur les faiblesses du dispositif actuel. Rappelons d’abord que la loi établit une distinction en matière de dépassement du seuil d’alcoolémie autorisé : au-delà de 0,5 gr d’alcool dans le sang, le conducteur est passible d’une contravention de 4ème classe qui l’expose à une amende de 135 euros, à la perte de 6 points de son permis et éventuellement à une suspension de 3 ans maximum de ce permis.

Au-delà de 0,8 gr en revanche, l’infraction tombe dans la catégorie des délits. En vertu de l’article L. 234-1 du Code de la Route, le conducteur est passible de 2 ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende (outre la perte de 6 points de et la suspension de 3 ans). Un tel délit comporte des circonstances aggravantes, dès lors que l’imprégnation alcoolique a entraîné un accident ayant causé des violences involontaires voire un ou plusieurs homicides involontaires : en ce cas, l’article 221-6-1 du Code Pénal prévoit une peine maximale de 7 ans d’emprisonnement assortie de 100 000 euros d’amende, y compris lorsque cette infraction a été suivie d’une tentative de fuite (article 221-6-1, 6° du Code Pénal). Dans les cas extrêmes, la peine pourra être portée à 10 ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende.

Force est de reconnaître, à l’occasion de circonstances particulièrement odieuses dont la répétition émeut à juste raison l’opinion publique (par exemple, conducteur circulant en état d’ivresse manifeste à bord d’un véhicule parfois volé, causant la mort de personnes voire d’enfants en bas âge et tentant de prendre la fuite) que ce barème de sanctions peut être regardé comme très indulgent. Trop sans doute.

C’est pourquoi, il serait effectivement urgent de procéder à une révision drastique et rigoureuse de cet arsenal, étant entendu qu’à l’heure actuelle la peine maximale d’emprisonnement encourue en France pour un délit est de 10 ans de prison (article 131-4 du Code Pénal). Il importe de mettre en adéquation le barème des sanctions avec la nature de certaines infractions, qu’il s’agisse d’ailleurs de consommation d’alcool ou de stupéfiant. La société française a profondément évolué au cours de ces dernières années et il serait tout à fait concevable, indépendamment de toute démagogie consistant à épouser les émotions de l’opinion publique, que la loi commune s’adapte à ces évolutions.

Toutefois, on peut ne pas suivre Christian Estrosi dès lors qu’il propose qu’en cas d’accident mortel causé par l’alcool et aggravé par une tentative de fuite du conducteur fautif, la notion d’« homicide involontaire » soit transformée en un « homicide volontaire ». En somme, que l’infraction dont il s’agit ne relève plus de la catégorie délictuelle mais criminelle.
Une telle transformation ne serait d’ailleurs pas si simple à entériner. A cette fin, il faudrait mettre en évidence, une volonté délibérée et manifeste du conducteur de commettre un homicide. Ce serait peine perdue dans le cas d’une personne agissant sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants. D’ailleurs, même le délit de mise en danger d’autrui, tel qu’il est défini par l’article 223-1 du Code Pénal, renvoie explicitement à la « violation manifestement délibérée » d’une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi.

Il reste évidemment la tentative de fuite qui est au coeur du raisonnement de l’ancien ministre et semblerait justifier à ses yeux un comportement fautif délibéré relevant du registre criminel. Malheureusement pour lui et quoiqu’on puisse penser du bien-fondé de sa réclamation, celle-ci a peu de chance d’aboutir dans la mesure où, telle situation de conduite en état alcoolique ayant été établie, l’absence de comportement fautif manifestement délibéré ne pourrait être contrariée par une tentative de fuite, laquelle serait assimilée à un simple réflexe donc à une simple circonstance aggravante.

On conviendra volontiers du côté très insatisfaisant de la situation actuelle. Celle-ci pourrait être cependant améliorée grâce une aggravation substantielle des peines délictuelles … à condition, il est vrai, que ces peines soient effectivement effectuées et non scandaleusement écourtées par des remises de peine dont on ne comprend plus la logique ou en vertu d’impératifs de réinsertion nécessaire des condamnés voire de remédiation à l’encombrement de nos prisons.

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