mardi 26 février 2013

La faute de Jean-Paul Huchon : un cas d’école


Peut-être a-t-il souhaité célébrer à sa façon la publication, le 19 octobre dernier, du rapport d’information parlementaire sur la sécurité routière. Toujours est-il que le président du Conseil régional d’Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, vient d’être pris la main dans le pot de confiture. Ce dimanche 24 octobre sur le coup de 16 heures, il a été contrôlé sur l’autoroute A 13 à hauteur d’Evreux à une vitesse de 171 hm/h en un endroit où la limitation était de 130 km/h.

Comme il fallait s’y attendre en ces temps post-primaires hyper-médiatisés, les blogueurs de tout poil s’en sont donnés à cœur joie et en ont fait in petto une affaire politique. Il n’y avait vraiment pas de quoi. En fait, M. Huchon conduisait lui-même son véhicule de fonction comme il en a parfaitement le droit : ce qui prouve d’ailleurs a contrario que, contrairement à certains élus, il s’abstient de mobiliser son chauffeur le week-end à des fins non-professionnelles.

Mais voilà, 171 km/h pour un élu, et pas n’importe lequel au demeurant, qui est censé donner l’exemple : cela fait évidemment désordre. Le traitera-t-on pour autant de « chauffard », d’ « irresponsable » ou d’ « incivique » ? Sans doute pas et on aura raison. Quoiqu’on pense de lui sur le plan politique, M. Huchon est un homme responsable qui ne saurait être en aucun cas assimilé à un danger public. Il a indéniablement fauté comme cela arrive quotidiennement à des tas de gens qui ne sont pas pour autant des fous du volant. De grâce, n’ajoutons pas la sanction morale voire la leçon de civisme à des conducteurs ayant fauté.

A propos de faute, précisément, il serait intéressant de savoir quelles seront les suites données à ce malheureux incident qui va gêner, parions-le, nombre de fonctionnaires. Tout d’abord, rendons hommage aux forces de l’ordre, la gendarmerie en l’espèce, d’avoir ordonné la rétention immédiate du permis de conduire comme c’est la règle aux termes de l’article L. 224-1 du Code de la route. Un hommage d’autant plus appuyé que la rétention s’exerce à partir d’un excès de vitesse de plus de 40 km/h au-dessus de la vitesse limite autorisée : or, M. Huchon dépassait de 41 km/h cette vitesse limite.

Les informations actuellement disponibles ne disent pas si les agents verbalisateurs, avant de prononcer cette première sanction, ont pris soin d’en référer à leur hiérarchie (le réflexe classique du « parapluie »). S’ils ne l’ont pas fait, c’est à l’évidence courageux voire inconscient. S’ils l’ont fait, c’est à l’honneur de toute la gendarmerie. Les informations ne l’indiquent pas non plus mais la règle est que le véhicule du contrevenant soit immobilisé sur le champ (finalement, le chauffeur de M. Huchon aura bien été dérangé durant ce week-end …)

La suite ? La rétention administrative du permis de conduire est une mesure conservatoire d’une durée maximale de 72 heures. Elle n’est qu’une première étape devant être suivie, en principe et en vertu des articles L. 224-7 et L. 224-8 du Code de la route, par une mesure de suspension administrative prononcée par le préfet. En principe, mais pas dans l’absolu. A sept mois des prochaines échéances électorales, il est cocasse de relever le côté tragi-comique de la décision ô combien délicate que devra prendre le préfet de l’Eure.  En effet, plusieurs options s’offrent au préfet :

          – procéder au classement sans suite, délivrer un simple avertissement ou encore s’abstenir carrément de prendre une décision de suspension : auquel cas, le permis de conduire est remis à la disposition de l’intéressé. Possible en théorie mais probablement pas en pratique car il en va de la crédibilité de la politique de sécurité routière dans son ensemble.

          – suspendre le permis du contrevenant avec une gamme dans la durée s’étendant de 1 à 6 mois. Il est probable qu’on s’acheminera vers cette solution étant entendu que la mansuétude du préfet sera aussi fonction de la dangerosité supposée de l’automobiliste et de son statut ou non de récidiviste.

          – il existe, enfin, théoriquement (art. L. 224-8) une procédure d’urgence permettant de prononcer, sur avis d’une commission spécifique, une durée n’excédant pas 2 mois de suspension. Toutefois, cette procédure est très encadrée. Là encore, il sera difficile au représentant d’en faire usage sous peine de se voir taxé de favoritisme.

Au fond, c’est un peu la rançon de la notoriété. L’infraction commise par Jean-Paul Huchon est relativement banale. Toutefois, sa qualité d’homme public donnera à la sanction devant être prononcée la dimension d’un précédent que certains usagers examineront, à juste titre, à la loupe.

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