mardi 26 février 2013

Justice par ordonnance



Jeudi 12 mai 2011. Le tribunal administratif de Toulouse statue sur le cas d’un conducteur privé de permis, sans toutefois avoir perdu tous ses points pour des infractions graves (alcoolémie ou grand excès de vitesse), qui sollicite un « permis blanc » afin de pouvoir poursuivre ses activités professionnelles. La réponse des juges claque sous la forme d’une ordonnance sèche de rejet.

Cette décision est sans appel. Plus exactement, elle ne peut être contestée que par un recours en cassation devant le Conseil d’Etat. La démarche est aussi longue que coûteuse (plusieurs années et plusieurs milliers d’euros) et nécessite l’intervention d’un avocat agréé auprès des hautes juridictions.

Déni de justice ? On n’en est guère éloigné. En effet, cette procédure dite « de tri » a pour but d’éliminer sommairement les requêtes qui semblent manifestement infondées ou sans caractère d’urgence. « Sommairement », c’est bien le mot dès lors que l’enjeu est rien moins que la perte d’un emploi et dès lors que la motivation de rejet par le tribunal est le plus souvent standardisée : quid de l’article L.522-3 du Code de justice administrative qui prévoit une motivation en bonne et due forme, ce qui est la moindre des choses par respect pour le justiciable.

Il faut s’y faire. Les tribunaux vont sans doute de plus en plus souvent rejeter les demandes de permis blanc par cette manière expéditive. De bonnes âmes objecteront que le contentieux routier devient un contentieux de masse et que nos magistrats n’en peuvent mais. Est-ce pour autant le problème des automobilistes ? A chacun ses soucis. En attendant, les conducteurs, dont on oublie qu’ils sont aussi des citoyens, sont en droit d’attendre une justice sereine et équitable. Une justice fondée sur ces garanties basiques que sont la procédure orale et contradictoire et la possibilité d’un recours. Une justice qui précise clairement les raisons pour lesquelles elle ne vous donne pas raison.

Toujours est-il qu’en matière de droit routier la justice est en train de devenir, consciemment ou non, le supplétif d’une administration qui réalise son rêve d’une sanction-répression à la fois automatisée et opaque. Une justice efficace certes mais plutôt fondée sur le « modèle chinois » si cher à Mme Ségolène Royal qu’à nos traditions.

Il ne faut pas être naïf pour autant. Refuser systématiquement les demandes de permis blanc et acculer ainsi certains automobilistes au désespoir aura une conséquence mécanique : la multiplication des conducteurs roulant sans permis. Notre société y gagnera-t-elle au change ? Il est à parier que non.

Ceci ramène à une loi que nos gouvernants, obnubilés par le politiquement correct et la tentation démagogique, semblent étrangement oublier : une bonne politique, sécuritaire ou autre, n’est bonne que si elle est comprise par le plus grand nombre. L’acceptation sociale : il n’est que de voir les manifestations de conducteurs ou de motards en colère pour comprendre que la politique actuelle de sécurité routière est en train de virer au fiasco.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire