mardi 26 février 2013

Verbaliser plus pour gagner plus


C’était un secret de polichinelle qui alimentait couramment les discussions de café du commerce : les forces de l’ordre seraient en partie rémunérées sur leur rentabilité en matière de verbalisation. On le chuchotait à Paris à propos des « pervenches » et des contractuels municipaux. On le susurrait également sous le manteau dans certaines villes de province. Allons, la chose est à présent avérée, officialisée et elle a l’accent de Toulouse.

Ainsi donc, les motards de la police de la Haute-Garonne ont reçu le 23 juin dernier des objectifs d’amendes à infliger et d’interpellations à effectuer : en clair, 50 timbres-amendes et deux interpellations mensuellement par motard. Il ne s’agit pas là de racontars ou de fantasmes mais bien d’objectifs écrits et chiffrés. Certains syndicats de policiers s’insurgent contre cette politique des quotas. D’autres estiment qu’il n’y a pas matière à controverses. Les responsables de l’administration, eux, font le gros dos et brandissent l’impératif classique de la sécurité routière.

A qui pourtant fera-t-on avaler de telles billevesées ? A qui fera-t-on croire que l’on fera baisser la mortalité routière et qu’on luttera ainsi contre la délinquance sur nos routes parce que des policiers vont s’acharner sur certains automobilistes à seule fin de remplir leurs objectifs et de ne pas se faire taper sur les doigts par leur hiérarchie ? Et pour bien faire comprendre que les policiers ne sont pas là pour faire de la pédagogie mais bien pour réprimer, ladite hiérarchie ne se gêne pas pour en appeler à la délation. Comme l’écrit en toutes lettres le responsable local de la sécurité routière : « Vous n’hésiterez pas à me signaler les personnes de votre équipe qui, de manière déloyale, n’exécuteraient pas les instructions demandées ». Donc, non seulement la traque des « délinquants » et autres « criminels » de la route mais aussi la chasse aux « traîtres » dans les rangs de la police ! On croit rêver …

En tout cas, comment peut-on encore avoir le front d’affirmer froidement que l’objectif n’est pas de faire du chiffre ? Comment ne s’inquiéterait-on pas légitimement de l’ordre donné aux policiers de faire individuellement 24 interpellations bon an mal an ? Comment peut-on encore faire croire que ces dérives visent in fine à sauver des vies ? Personne de sensé ne peut plus y croire aux vertus de la répression aveugle dont la rentabilité est programmée comme, jadis,  les objectifs du Gosplan.

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