mardi 26 février 2013

Le permis de conduire en campagne

Il était dit que cette campagne présidentielle, jugée si terne par ailleurs, nous réserverait quelques surprises. Fatigués sans doute de s’être consacrés aux grands sujets qui intéressent les électeurs, voici qu’à l’approche du scrutin nos candidats viennent d’en ajouter hardiment un dernier : le permis de conduire.

La trouvaille est fameuse. On aurait pu imaginer banalement une nouvelle recette miracle pour faire baisser les dépenses de l’Etat ou augmenter la croissance. Mais non ! Le permis de conduire : les jeunes ne sont pas obsédés par la recherche d’un emploi ou d’un débouché mais par le petit papier rose à trois volets. Il fallait y penser !

De fait, le président-candidat ou le président sortant (et non le « candidat sortant », comme le prétend son adversaire socialiste, ce qui ne veut rien dire) a ouvert le bal en découvrant que l’examen du permis de conduire était à la fois trop long et trop cher. D’où la proposition que les auto-écoles viennent désormais dans tous les lycées apprendre le code aux jeunes. Pour l’examen de conduite est dans l’air un engagement par l’Etat d’un délai maximum d’un mois entre deux essais. Enfin, l’idée d’un permis gratuit pour ceux qui effectuent le service civique fait son chemin.

Les candidats de l’opposition ne pouvaient pas être en reste. Le candidat socialiste a ainsi promis un « forfait » pour chaque jeune en service civique, avant d’afficher l’objectif de participation de 100 000 jeunes au service civique.

La palme revient toutefois aux candidats de l’extrême-gauche, de Lutte Ouvrière et du Front de Gauche, qui vont jusqu’au bout de cette logique en préconisant la gratuité intégrale et immédiate du permis.

Cela étant, une question vient immanquablement à l’esprit de tout observateur de bon sens : à quoi bon ? Oui, à quoi bon dès lors que la politique municipale de nos grands édiles – de droite comme de gauche, d’ailleurs – vise à éradiquer l’automobile considérée comme le mal absolu. A quoi bon, dès lors que la politique de sécurité routière consiste à le traquer systématiquement ; dès lors que le droit routier admet la présomption de culpabilité au détriment des conducteurs qui sont la proie d’un système répressif automatique et opaque, souvent sans possibilité réelle de recours. Et l’on voudrait encore passer son permis et rejoindre la cohorte de ceux qui vivent une galère au quotidien ? C’est pire que de l’inconscience. Du masochisme !

Mais on n’en est pas à une contradiction de plus. Après tout, les pouvoirs publics font déjà de tout pour persécuter les conducteurs tout en prétendant encourager l’industrie automobile. De ce point de vue, la seule candidate cohérente est la candidate du Front national qui est favorable de longue date à l’abolition du permis à points. De toute évidence, l’abolition de ce permis à points passerait pour plus réaliste que l’abolition de l’euro !

Alors quelle peut être, dans ces conditions, la finalité de ce tir groupé de nos candidats sur le permis de conduire ? Faire diversion ? On ne saurait faire une telle injure à des leaders politiques jugés tellement sérieux que chacun d’entre eux a pu réunir ses 500 signatures d’élus. C’est dire !

Il existe bien sûr une raison aussi impérieuse qu’incontournable : séduire la jeunesse, étant entendu que tous les ans se présentent quelque 1,5 millions de candidats à l’examen du permis et que, par définition, tout détenteur du permis peut être également détenteur d’une carte d’électeur. Dans une veine un peu plus insidieuse et perverse se dessine même une autre idée. A bien y réfléchir, en effet, tout nouvel automobiliste est non seulement un nouvel électeur mais aussi, fatalement, un contrevenant en puissance et, pour tout dire, un contribuable tombé du ciel. En des temps aussi contraints pour l’Etat, il ne saurait y avoir de petit profit. C’est ce qu’on appelle de la bonne politique. CQFD.

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